23/06/2020
L'écho mondial de la mort de George Floyd est impressionnant. Si l’ampleur de l’indignation peut donner de l’espoir, comment concevoir qu’en 2020 notre monde « moderne » n’en a pas fini avec le racisme et la violence qu’il engendre ? Je suis profondément convaincu que ce mal ne peut être combattu que si l’on cherche à mieux connaître l’autre et d’abord au travers de l’Histoire.
À l’occasion de mon premier déplacement au Sénégal il y a 3 ans pour rencontrer les autorités du pays, j’ai demandé à visiter Gorée, au large de Dakar. Sur cette île-mémoire, dans la « maison des esclaves », j’ai pu ressentir l’histoire, poignante, de la traite négrière en Afrique. Un héritage de violences, de souffrances, qu’il est crucial de regarder en face pour mieux en percevoir les ramifications dans notre société. Prendre le temps d'honorer la mémoire de cette tragédie est indispensable pour toujours garder à l’esprit l’importance du respect de l’autre.
Dans cette optique, j’ai tenu à participer la semaine dernière au premier comité des mécènes de la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage, dont notre fondation d’entreprise est membre depuis sa création en 2019. Cette (re)connaissance de notre passé est source d’ouverture et d’intégration. Elle dépasse les frontières et transcende les époques : là encore, il est question de mieux comprendre, de mieux connaître. Non pas pour réconcilier des points de vue irréconciliables mais pour les dépasser.
« Prendre en compte et respecter les différences nourrissent notre capacité à travailler ensemble et aussi à vivre ensemble. »
Devenir la major de l’énergie responsable nous impose une conduite exemplaire conforme à nos valeurs. Total est présent dans 130 pays, employant 100 000 personnes sur les cinq continents : savoir s’adapter aux particularités locales (qu’elles soient historiques, linguistiques, culturelles, religieuses, sociales ou liées aux origines) est pour nous incontournable. Prendre en compte et respecter les différences nourrissent notre capacité à travailler ensemble et aussi à « vivre ensemble ». La diversité, tout autant que l’union, fait la force.
C’est aussi dans cet esprit que j’ai tenu à ce que notre groupe se dote en 2017 d’un « Guide du fait religieux dans l’entreprise » pour permettre à chaque manager et employé de disposer d’un cadre de réflexion et de comportements face à ces questions délicates. A mes yeux, un des apports les plus utiles de ce Guide, consiste en ce qu’il nous offre une meilleure connaissance de ces religions que, parfois, on appréhende mal. Et cette connaissance aide à mieux se comprendre.
La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme est un socle fondateur. Au-delà de ce texte, Total s’est engagé à respecter les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits humains dès leur adoption par les Nations Unies en 2011. Le refus de toute forme de discrimination et la volonté de diversité et d’inclusion sont un des piliers de notre politique Droits Humains. Nous nous sommes dotés d’instances et d’outils : un comité d’éthique, un code de conduite, des guides pratiques sur les droits humains et l’intégrité, ou encore un dispositif d’alerte, de conseil et d’accompagnement. Nos salariés peuvent s’en servir au quotidien et également s’en faire les ambassadeurs auprès de tous ceux qui travaillent avec et pour nous. Et tout naturellement, lorsqu’en 2017, nous avons réaffirmé les valeurs de notre Groupe, le Respect de l’Autre s’est imposé comme une valeur cardinale de l’entreprise.
« L’actualité nous le montre, le respect de l’autre est une valeur partout fragilisée… et qui en même temps, n’a peut-être jamais autant été revendiquée. »
Le chemin est encore long, je le sais. C’est d’abord une question de société mais nos entreprises peuvent et doivent y contribuer. Le passé ne doit pas être oublié, le présent est entre nos mains mais n’oublions pas que le futur est dans celles de la jeunesse. Il est indispensable de favoriser l'accès à l'éducation pour permettre aux plus jeunes de devenir de futurs citoyens éclairés.
L’actualité nous le montre, le respect de l’autre est une valeur partout fragilisée… et qui en même temps, n’a peut-être jamais autant été revendiquée. Les prises de conscience, la lutte contre l’injustice et pour le respect des droits de chacun et les changements qui en résulteront seront, j’en suis convaincu, le fruit d’une volonté commune et d’actions solidaires. Et ce toujours, à la lumière de notre Histoire.
Patrick Pouyanné, président-directeur général de Total