Replay de la webconférence de Patrick Pouyanné sur Boursorama le 30 mars 2021
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TotalEnergies : plus d’énergie, moins d’émissions]
Laurent GRASSIN, directeur médias de BOURSORAMA :
Bonsoir et bienvenue. Merci d'être avec nous ce soir pour cette webconférence TOTAL. Au programme, 45 minutes, peut-être un petit plus d'échange en direct, placé sous une thématique : la transformation de TOTAL en un groupe multi énergies pour marquer cette évolution, cette révolution, le nom de TOTAL deviendra d'ailleurs TOTALENERGIES si les actionnaires le valident durant la prochaine assemblée générale qui se tiendra le 28 mai prochain. Notez-le dans vos agendas si ce n'est pas déjà fait. Transition énergétique, neutralité carbone, investissement et stratégie de développement dans les énergies renouvelables, autant de sujets, autant d'enjeux qui vont venir façonner la nouvelle identité de TOTAL. Pour porter cette vision, ce soir, le PDG de TOTAL, Patrick POUYANNÉ, est sur notre plateau, avec moi. Bonsoir Patrick POUYANNÉ.
Patrick POUYANNÉ :
Bonsoir.
Laurent GRASSIN :
Alors bien sûr pendant cette présentation, vous pourrez poser toutes vos questions en direct, nous consacrerons un temps réservé à la fin de cette webconférence pour y répondre. Des questions vous en avez d'ailleurs posées déjà beaucoup au moment de vous inscrire, vous verrez que nous en avons intégrées quelques-unes dans la présentation. Avant de rentrer dans le vif du sujet, Patrick POUYANNÉ, un mot peut-être sur cette année 2020. Vous l'avez déjà beaucoup communiqué sur le front de la crise sanitaire, de la volatilité du pétrole, mais ce que savent peut-être moins les gens qui nous regardent, c'est que durant cette période, 100 000 nouveaux actionnaires individuels ont choisi d'apporter leur confiance à TOTAL. Ils étaient 450 000 fin 2019, ils sont désormais 550 000 fin 2020. Comment, en quelques mots, vous pouvez expliquer cet engouement ?
Patrick POUYANNÉ :
Le Covid a eu du bien. Je pense que visiblement les Français étaient enfermés chez eux, ils ont acheté des actions. Je pense qu'en général, on voit la tendance, c'est une bonne nouvelle pour le marché français, plus d'actionnaires individuels, bonne nouvelle pour BOURSORAMA aussi. Ils ont choisi TOTAL parce que je pense qu'ils ont du bon sens, ils ont dû regarder quelles étaient les actions qui étaient un peu décotées, c'était clair, pendant la crise et qui en plus offrent un rendement de près de 7 % en ce moment. C'était 9 % pendant la crise. Je pense qu'ils ont juste du bon sens. Donc ils sont venus massivement sur TOTAL, j'en suis très heureux. On avait un objectif avec l'équipe, sur les relations avec les actionnaires individuels, faire croitre ce nombre, je pense que c'est important parce que les actionnaires individuels c'est une base qui, en général, est durable. Ils font confiance donc j'espère qu'on ne va pas les décevoir et qu'ils garderont la confiance et j'espère qu'on en accueillera plus.
Laurent GRASSIN :
Peut-être encore cette année. Revenons-en à l'objet de cette webconférence. TOTALENERGIES, plus d'énergies, moins d'émissions, au-delà de cette formule qui est aussi le titre de cette webconférence, quels sont finalement les ambitions et les défis que TOTAL devra relever pour légitimer ce nom de TOTALENERGIES ? On parle d'un groupe multi énergies, on voit un petit peu ce qui se cache derrière. Est-ce que vous pouvez nous expliquer concrètement ce que cela veut dire ?
Patrick POUYANNÉ :
D'abord TOTALENERGIES, il ne faut pas dire TOTAL ÉNERGIES, c'est un seul mot. On crée une marque, on crée un nouveau nom, cela a donné lieu à de long débat. L'idée c'est justement, en fait, on a choisi un nom qui quelque part intègre la stratégie. La stratégie c'est toutes les énergies, en fait, derrière TOTALENERGIES, toutes les énergies qu'on va produire. En fait cela veut dire quoi ? Cela veut dire qu'on produisait du pétrole, tout le monde le sait, TOTAL égal pétrole, et si le changement de nom a été décidé par le conseil d'administration, c'est justement parce qu'en fait profondément, si on veut aller vers l'ambition ultime de neutralité carbone qui est celle où la société nous pousse, il faut qu'on élargisse notre panel d'énergies. Alors, on avait ajouté le gaz naturel. On va amplifier le gaz naturel et puis on va ajouter l'électricité. La vraie nouveauté, c'est qu'en fait, on veut produire du pétrole, du gaz et de l'électricité et devenir en fait en quelque sorte un électricien notamment à base d'énergies renouvelables. Il y a plein de bonnes raisons pour faire cela. En fait, la transition énergétique va avoir besoin de toutes les énergies. On essaye d'opposer les énergies alors qu'en fait profondément, « plus d'énergies, moins d'émissions n'est le double challenge auquel on est confronté dans le monde de l'énergie parce que la population mondiale croit, on a besoin de plus d'énergies et en même temps il faut décarboner l'énergie, il ne faut pas d'émission, c'est le grand défi du changement climatique, le grand défi du 20eme siècle. On veut inscrire TOTAL comme un acteur majeur de cette transition énergétique. Voilà en gros pourquoi on choisit ce nom TOTALENERGIES. J'espère que nos actionnaires nous suivront. C'est l'idée de montrer aussi l'idée de la transformation parce que c'est une véritable transformation, ce n'est pas simplement une diversification, c'est vraiment prendre le sujet de l'énergie par le double aspect. Produire plus, c'est classique dans le monde de l'énergie, mais en même temps moins d'émissions, c'est-à-dire l'énergie que l'on doit produire doit être fondamentalement moins décarbonnée voire pas décarbonnée. Mais les énergies seront complémentaires, encore une fois, on ne veut pas les opposer.
Laurent GRASSIN :
Vous l'avez dit, il va falloir produire plus d'énergies dans les années à venir et cela c'est une des premières ambitions de TOTAL.
Patrick POUYANNÉ :
Oui, il y a une ambition de croissance. On n'inscrit pas TOTALENERGIES dans une espèce de décroissance comme certains aimeraient le voir. Ce n'est pas du tout l'idée. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que sur les 10 prochaines années, l'ambition qu'on se donne... Je vais parler dans une unité que les gens ne vont pas comprendre, c'est les pétajoules par jour. On va passer de 17, c'est ce qu'on produit aujourd'hui, ils ont plus l'habitude de nous entendre dire 3 millions de barils ou équivalent, mais simplement quand je veux parler de l'électricité, parler de barils équivalent pétrole, je perds un peu tout le monde... Et surtout de l'électricité verte, l'électricité renouvelable. On va passer de 17 pétajoules par jour à 23. Cette croissance qui fait, en gros, une croissance de près d'un tiers, c'est une vraie ambition de croissance, la moitié de la croissance viendra des électricités notamment d'origine renouvelable, l'autre moitié viendra du gaz. Le pétrole, pendant ce temps-là, ne va pas croitre, il va même sans doute décroitre, peut-être qu'il sera stable mais sans doute décroitre à la fin de cette décennie. C'est un profond changement de stratégie que je vous présente. En général, on était, il y a cinq ans encore, jugé sur la capacité à faire croitre la production pétrolière. Là, on dit non, le pétrole ne va pas croitre, il pourra même être amené à décroitre, c'est le gaz et l'électricité renouvelable qui vont tirer la croissance, qui seront les moteurs de la croissance rentable de TOTALENERGIES.
Laurent GRASSIN :
Alors vous l'avez dit, on parlait plus de production chez TOTAL et là il va falloir aussi maintenant parler de demande. On imagine qu'elle va évoluer dans les années à venir pour faire une place de plus en plus croissante dans les énergies renouvelables.
Patrick POUYANNÉ :
C'est le vrai changement je crois quand on essaye d'exprimer la stratégie de TOTAL et de TOTALENERGIES, c'est qu'en fait, on a pris non pas l'axe classique d'un producteur de pétrole, d'un producteur d'énergie. On s'est dit mais en fait, cette transition énergétique ne se fera que parce que nos clients, la demande va évoluée, et on ne fait jamais rien contre la demande. Si les vieilles voitures passent de voitures thermiques aux voitures électriques, quand vous avez GENERAL MOTORS qui annonce qu'il ne produira plus de véhicules thermiques en 2035, cela c'est parce que ses clients lui demandent et ce n'est pas nous qui allons aller contre. Donc nous, quelle est l'ambition sur ce sujet ? C'est simple, c'est de se dire, qu'aujourd'hui on est connu pour nos stations-services où l'on vend du diesel et de l'essence, demain il faut qu'on ait la même réputation pour des bornes de recharge, des stations de recharge parce que ce sont des nouveaux métiers. Ce sont des opportunités, ce ne sont pas des contraintes. Il faut qu'on s'adapte. En fait, profondément, j'avais d'ailleurs prononcé une phrase en 2016, lorsqu'on avait racheté SAFT : « le 21ème siècle sera le siècle de l'électricité parce que l'énergie qui va croitre, et cela va bien avec la décision de décarboner, c'est l'électricité. Il faut qu'on soit présent. Nos clients ne vont pas tous aller au même rythme. On ne va pas décarboner au même rythme les avions, les voitures, demain les bateaux, demain les aciéristes, les cimentiers. On veut offrir ce panel d'énergies à nos clients.
Laurent GRASSIN :
Est-ce que TOTAL peut être proactif pour accompagner justement ses clients vers le chemin du changement ?
Patrick POUYANNÉ :
TOTAL veut être proactif profondément. L'idée ce n'est pas simplement d'attendre que les gouvernements émettent des réglementations ou qu'on nous impose des choses, au contraire. Encore une fois, si mon ambition c'est d'aller, pour l'entreprise TOTAL, vers la neutralité carbone, il faut que j'y aille avec mes clients, quelque part que mes clients soient aussi neutres en carbone, c'est cela l'idéal. A la fin, c'est que tout le monde y aille. Il y a des clients professionnels, des entreprises et il y a des clients particuliers. Le rythme ne sera pas le même et en fait, le vrai débat qui est caché à cette transition, ce n'est pas est-ce qu'il faut la faire ou ne pas la faire, c'est à quel rythme. TOTAL doit être proactif. L'ambition de TOTAL c'est d'aller voir nos clients pour leur proposer d'autres énergies. Par exemple, on travaille avec une société qui s'appelle ANGLO AMERICAN, qui est un grand minier en Afrique. Aujourd'hui, il fait tourner ses diesels sur ses mines avec des moteurs diesel, on est en train de lui dire qu'on peut faire de l'hybride entre les renouvelables et du diesel, vous allez faire des économies et moins de carbone. On a des solutions à apporter parce que justement, en étant multi énergies, on n'est pas multi énergies simplement en tant que producteur, on veut être fondamentalement multi énergies pour nos clients. TOTALENERGIES c'est une offre multi énergies à nos clients. J'aurais pu prendre d'autres exemples comme les gens qui se chauffent au fioul en France, demain on va aller leur dire « peut-être qu'il ne faut plus se chauffer au fioul parce qu'on vous dit que cela fait du carbone, mais il y a du gaz, il y a l'électricité, des pompes à chaleur, on va vous offrir des autres solutions et on va vous accompagner dans cette démarche ».
Laurent GRASSIN :
Un mot quand même parce que Fabrice, lui, se demande : comment vous voyez l'évolution de la demande de pétrole dans les années à venir ?
Patrick POUYANNÉ :
La demande dé pétrole, je pense qu'on s'est plusieurs fois exprimé, on pense qu'en gros, d'ici 2030, le Covid a beaucoup perturbé tout cela, elle a beaucoup baissé l'année dernière je vous le rappelle 5 %, 6 %, mais on pense qu'elle va rebondir. Pour l'instant, cette transition n'est pas encore faite, on voit encore une petite croissance d'ici 2030, même si nous, on a plutôt un profil stable. On pense qu'à partir de 2030, on va avoir un déclin de la demande de pétrole. Déclin, encore une fois, parce que les usages, plus de moteurs thermiques dans le monde occidental, en Europe, aux Etats-Unis, cela va faire une baisse de la demande. On pense que cela va décroitre. A ce moment-là, il faut juste qu'on s'adapte et en fait on veut anticiper. Il faut qu'on adapte l'offre. Vous voyez, sur cette planche qu'on vous présente, les ventes de produits pétroliers vont diminuer au cours de la décennie de près de 30%. On va être proactif, il faut qu'on adapte l'aval, le raffinage, le réseau mais encore une fois comme on est très présent en Europe puisque 70% de nos ventes de produits sont en Europe et que l'Europe a décidé de faire le Green Deal : moins 55% d'émissions de carbone en 2030. Il va se passer des choses. Donc nous, on veut accompagner et en tirer une opportunité. Je pense que l'idée aussi profonde, TOTAL était peut-être défensif sur son pétrole mais TOTALENERGIES va être offensif sur toutes les énergies et montrer qu'on va être un acteur positif et progressiste de la transition énergétique. C'est cela l'ambition collective des hommes et des femmes de TOTAL.
Laurent GRASSIN :
Un acteur positif, progressiste parce qu'il y a cette ambition qui est posée : neutralité carbone en 2050 pour l'ensemble de vos activités mondiales. C'est un enjeu qui est très challengé par les ONG qui suivent le climat. C'est parfois compliqué pour l'actionnaire individuel de s'y retrouver parce que ce n'est pas simple cette histoire de scope 1, 2, 3. Est-ce que vous pouvez revenir et décomposer tout cela pour qu'on y voit clair ?
Patrick POUYANNÉ :
Ce que je voudrais que tout le monde retienne c'est que la formule qui est présentée là, elle évolue un peu. Elle évolue parce qu'on a un dialogue avec nos actionnaires...
Laurent GRASSIN :
En début d'année.
Patrick POUYANNÉ :
Cette stratégie, on va la proposer à un vote consultatif des actionnaires. On va en reparler. On affirme qu'on a l'ambition de cette neutralité carbone. Les fameuses scope 1, 2, 3, c'est compliqué. En gros, scope 1 et 2, retenez simplement que ce sont les émissions liées à nos opérations, à nos activités directes. C'est ce qu'on fait quand on raffine, quand on va produire de l'électricité avec du gaz, on produit des émissions de carbone. Je passe sur le détail sur pourquoi 1 et 2. J'ai toujours affirmé, depuis longtemps, qu'on en était directement responsable. Tendre vers la neutralité carbone dans nos propres opérations, aujourd'hui, cela représente près de 45 millions de tonnes de carbone. C'est beaucoup. On va y arriver. On s'est donné des étapes. C'est d'autant plus compliqué, qu'on croit en ce moment. Il faut qu'on combine la croissance et la baisse des émissions. C'est toujours le challenge qu'on se donne. On s'est dit qu'on serait à moins de 40 millions de tonnes à 25 et on va accélérer puisqu'on dit qu'en 2030, nos émissions nettes seront en dessous, en gros moins de 40 %, cela fera entre 25 et 30 millions de tonnes. Moins de 40 % en l'espace de 20 ans. Donc, on s'engage et cela c'est la mobilisation de toutes les équipes, partout, sur tous nos sites. Là, cette année, ils nous ont présenté près de 500 projets un peu partout dans le monde. On traque le carbone. Je peux vous dire que les ingénieurs ont plein d'idées maintenant qu'on leur a dit. Ils ne sont plus seulement motivés sur « on va faire croitre notre production ou on va faire croitre nos ventes », oui croitre vos productions mais en baissant les émissions. Chacun va se retrouver avec un double enjeu. Il y a plein d'imaginations, il y a plein de capacités à innover. Depuis qu'on leur a dit que c'était cela une priorité, ils trouvent des bonnes idées à saisir pour pas cher, on peut se battre sur ce sujet, c'est le nouveau motto de l'entreprise.
Après on parle de scope 3. Scope 3, ce n'est plus vraiment nous directement, ce sont nos clients.
Laurent GRASSIN :
Moi quand j'utilise ma voiture par exemple ?
Patrick POUYANNÉ :
Vous êtes un scope 3 pour TOTAL parce que ce sont des émissions indirectes. Pour vous-même, vous êtes un scope 1 et 2. Le scope 3 est un truc compliqué parce qu'en fait cela ne s'ajoute pas. Fondamentalement ce qu'il s'ajoute, la somme des émissions mondiales, c'est tout les scopes 1 et 2. Le scope 3 c'est qu'on rend responsable ou coresponsable, on associe le producteur à ses clients. C'est l'idée qu'on va travailler avec le client. Il y a un long débat, on n'en est pas responsable, on est là, on produit, on nous demande également de travailler avec nos clients pour faire baisser les émissions indirectes. Lorsqu'on dit que TOTAL est un gros émetteur de carbone, en fait, ce sont les émissions de nos clients, mais ce n'est pas moi qui décide si un avion décide avec du kérosène ou fonctionne avec de l'hydrogène, cela c'est AIRBUS qui va le décider. Moi, je ne fabrique pas les avions, je ne fabrique pas les voitures, je ne fabrique pas les bateaux. Nous, on fournit les énergies, demain on va fournir de l'hydrogène s'il faut fournir de l'hydrogène, c'est une ambition, je dirai, partagée ensemble avec nos clients, avec la société, on ne peut pas le faire tout seul. Cela va prendre du temps ce scope 3. Là, on s'est donné des objectifs ambitieux également, on a dit qu'au niveau mondial, on a décidé qu'il fallait arrêter que ces émissions de scope 3 augmentent. Elles ont augmenté depuis 2015, on veut renverser la tendance. Elles seront plus basses en 2030 qu'en 2015. Comment on va y arriver ? Parce qu'en Europe, on a un objectif beaucoup plus ambitieux, parce qu'encore une fois l'Europe s'est engagée, on veut les baisser de 30%. C'est massif. 75 millions de tonnes de carbone qui disparaitraient avec nos clients, ce n'est pas un petit enjeu. On est totalement motivé. Nos équipes de marketing qui vendent des produits pétroliers, demain, elles vont essayer de vendre aussi d'autres produits. Voilà l'enjeu, en gros, de la neutralité carbone.
Laurent GRASSIN :
Une question de Guislain qui dit : « Quels sont, selon vous, les énergies renouvelables à développer en priorité pour respecter les engagements de réduction d'émissions de CO2 des Accords de Paris ? »
Patrick POUYANNÉ :
Ecoutez, honnêtement, je pense qu'il faut toutes les énergies. Nous, on était parti sur le solaire. Vous avez vu que dernièrement, on s'est orienté vers l'éolien offshore, qui est plus couteux mais qui a un potentiel plus élevé. Je pense qu'il les faut toutes. Je ne fais pas de choix particulier. On pense que le solaire a un très grand potentiel. L'éolien offshore cela dépendre. Les océans sont immenses, cela va dépendre aussi de la capacité à faire cohabiter les énergies. On voit que ces énergies renouvelables, c'est que la limite c'est qu'elles occupent beaucoup d'espaces. Elles occupent des espaces au sol pour le solaire, des collines pour les éoliennes à terre, cela porte parfois des débats.
Laurent GRASSIN :
C'est moins compact qu'une centrale nucléaire.
Patrick POUYANNÉ :
Ce n'est pas compact du tout. Je peux vous dire qu'hier, j'étais au Emirats Arabes Unis, j'ai visité une centrale solaire de 700 mégawatts, cela faisait 40 kilomètres carrés. Demain dans les océans, est-ce qu'on veut mettre des éoliennes offshores ? Jusqu'où on va en mettre ? Il faut les faire cohabiter avec les pêcheurs, avec d'autres activités, des bateaux... Aujourd'hui, on a vu une amélioration des coûts extrêmement forte dans les énergies renouvelables. Je dirai qu'il faut se battre sur les divers fronts. Nous on en a choisi trois et d'autres en choisiront d'autres. Pas de compétition. Faisons-les progresser.
Laurent GRASSIN :
Faisons progresser tout le monde. Je parlais des actionnaires individuels en début de cette webconférence, vous l'avez dit, ils vont être pleinement associés à cette démarche de transformation du groupe puisqu'ils devront se prononcer sur plusieurs aspects de cette transition énergétique lors de la prochaine assemblée générale.
Patrick POUYANNÉ :
Oui, c'est assez innovant ce qu'on fait. Le conseil d'administration est responsable de la stratégie et il n'y a pas du tout l'idée de transférer de la part du conseil d'administration une quelconque responsabilité, on veut les associer. C'est positif. On ne leur demande pas non plus de nous donner un blanc-seing pour tout. On en reparlera. Simplement, on trouve que c'est tout à fait symbolique. L'année dernière, ils avaient approuvé un changement de statut, on avait d'ailleurs mis des mots énergies renouvelables, on va changer le nom donc on veut les associer à ce changement de nom. C'est normal, c'est même leur prérogative, mais plus que cela, parce qu'un changement de nom ce n'est pas grand-chose, donc on a rédigé un document, qui va être publié normalement demain ou après-demain, qui est un rapport qui explique quelles sont les orientations qu'on se donne pour cette transition énergétique et notamment avec un focus sur les 10 prochaines années. Il ne s'agit pas simplement de déclarer qu'on sera neutre en 2050, on se donne des objectifs à 10 ans, on se sent totalement responsable. On va l'écrire dans ce document. J'espère que cette initiative sera bien accueillie, il y avait eu un débat l'an dernier vous le savez de la part des actionnaires qui voulaient qu'on fasse des choses, la difficulté qu'on avait, c'est qu'il ne faut pas non plus que les actionnaires... Chacun doit prendre ses responsabilités. C'est le conseil d'administration qui gère la stratégie, qui la pilote, c'est même sa prérogative. Aux actionnaires de nous dire si oui ou non, on est sur la bonne orientation, je trouve que c'est une façon, en ce moment on parle beaucoup de démocratie participative, ils n'ont pas le droit d'amendements, la société ce n'est pas comme au Parlement mais c'est quand même un moyen de les écouter. J'espère qu'ils nous soutiendront de façon nombreuse, et puis on verra, on continuera le dialogue avec eux, ce n'est pas parce qu'on aurait un vote positif que j'espère bien sur cet avis que l'on va s'arrêter à réfléchir, à faire évoluer, le monde bouge, on bougera avec.
Il y a un autre point que le conseil d'administration a voulu pour bien montrer que cette neutralité carbone est au cœur, ils auront l'occasion de se prononcer sur un des nouveaux critères, le fameux scope 3, les émissions indirectes, c'est quand même une innovation parce que le conseil d'administration a décidé d'associer parmi les critères de performance des fameuses actions gratuites, de mettre le scope 3 comme un des critères. Cela veut dire que tout cela est pris très sérieusement puisque dorénavant, non seulement le PDG mais les dirigeants de TOTAL, et tous les gens de l'entreprise, 10 000 par an, reçoivent cette action, ils les recevront vraiment s'ils atteignent leurs objectifs également en matière d'émissions de carbone. C'est toute une entreprise qu'on chercher à mobiliser autour de cette ambition « plus d'énergies, moins d'émissions ».
Laurent GRASSIN :
On s'est projeté un peu dans l'avenir sur le début de cette présentation. On va revenir un petit peu au passé sur cette année 2020. Comment vous avez vu évoluer la demande d'énergies justement sur cette année écoulée ?
Patrick POUYANNÉ :
Il y a un petit graphique qui est quand même très spectaculaire. L'année 2020 sera pour nous une année de pivot, c'est cette année-là, alors je ne sais pas si c'est parce qu'on était enfermé, qu'on avait plus de temps à réfléchir, mais on a décidé l'ambition, l'évolution de la stratégie, le nom, il y a eu beaucoup de travail de fait. Ce graphique est passionnant à mes yeux. On voit bien qu'en gros la demande d'énergie a baissé de 5 comme l'économie mondiale de 4. En gros, l'énergie suit la demande. On voit la demande de pétrole qui s'est écroulée de 9%, moins de transport, moins d'avions, confinement. Mais malgré cette baisse de la croissance mondiale, malgré cette baisse de la demande d'énergie, il y a deux énergies qui ont continué à croitre. L'une c'est le gaz naturel liquéfié : +3 % encore une fois tiré par la Chine, par l'Inde, dans un monde où l'énergie n’était pas chère, la demande pour le gaz naturel qui est une énergie de transition, certes c'est une énergie fossile mais elle émet deux fois moins de CO2, beaucoup moins polluante que le charbon, on a vu malgré ce contexte défavorable, une croissance. Et puis, l'électricité solaire, éolien solaire, +13 %. Ce que je veux montrer là, c'est que pour moi c'est vraiment symbolique, les deux piliers de la croissance de TOTALENERGIES, gaz naturel liquéfié et électricité renouvelable ce sont ceux qui, dans une période de crise incroyable, ont continué à croitre.
Laurent GRASSIN :
On est sur ce point de basculement.
Patrick POUYANNÉ :
On est sur ce point-là. C'est donc pour cela que les actionnaires individuels continuent à nous faire confiance. Nous sommes en train de parier, d'investir à la fois en moyen de production et sur des clients également sur les énergies de demain.
Laurent GRASSIN :
Alors la confiance, c'est la stratégie, ce sont aussi les chiffres. On va rester sur cette année 2020, les chiffres financiers de TOTAL. Période incroyable de volatilité sur les marchés de matières premières, pourtant on peut dire que TOTAL sans vous dresser une couronne de laurier à fait mieux que résister, les indicateurs financiers, résultat net ajusté, gestion de trésorerie, endettement, qui vous place aux meilleures places parmi la classe des majors alors que vos compétiteurs sont parfois plus gros en termes de taille. Une petite réserve de Roger qui nous dit : « TOTAL a passé en 2020 d'importante prévision pour dépréciation d'actifs, faut-il s'attendre à une nouvelle dépréciation ou s'agit-il d'une opération pour solde de tout compte ? ». Qu'est-ce qu'on peut dire sur ces chiffres 2020 ?
Patrick POUYANNÉ :
Je vais répondre. D'abord, la comparaison nous est favorable, c'est très clair. On a démontré, une fois de plus, qu'on est plus résilient que nos concurrents, on le voit assez bien dans l'évolution des cours de bourse. Je passe à peu près mon temps chaque jour à regarder comment évolue le club des 5.
Laurent GRASSIN :
Sur BOURSORAMA j'espère (rire).
Patrick POUYANNÉ :
Je fais autre chose, je travaille également pour créer de la valeur. En fait, on voit parfaitement que quand le prix est bas, le marché va sur TOTAL, quand le prix a tendance à remonter, il redonne de l'espace à nos concurrents donc on voit bien qu'on est considéré comme une valeur de résistance et d'ailleurs on l'a démontré puisque quelque part cette année, on a réussi, à maintenir le dividende à tous nos actionnaires, d'ailleurs c'est pour cela sans doute qu'on a attiré certains. Alors que d'autres, notamment nos deux grands concurrents européens, ont décidé de le couper, par deux ou par trois, en même temps les résultats absolus ne sont pas si bons que cela. 4 milliards de résultat ajusté, c'est le moins bon que j'ai connu depuis longtemps. Le contexte était très dur donc il faut relativiser. Les fameuses dépréciations exceptionnelles étaient exceptionnelles sinon il y aurait un souci.
Laurent GRASSIN :
Ce ne sera pas de l'exceptionnel récurent ?
Patrick POUYANNÉ :
Non. D'abord, qu'est ce qui s'est passé ? En fait, c'est très lié à notre ambition de climat. On a pris deux décisions. On a voulu absolument par cohérence que les prix qu'on utilise pour le pétrole soient à moyen long terme alignés sur ce qu'on appelle les scénarios en dessous de deux degrés. L'agence internationale de l'énergie nous dit qu'il ne faut pas parier sur plus de 50 dollars du baril à long terme. On a fait des calculs qui permettent de faire des dépréciations à 50 dollars. Mais surtout, on a fait un autre exercice très important, on a pris tout le portefeuille pétrolier TOTAL, on a regardé si on avait des actifs qui avaient des réserves très longues et qui pourraient se retrouver échoués, qu'on ne pourrait pas produire parce que le prix serait trop bas, on n'est tombé sur une catégorie d'actifs, c'est les fameux sables bitumineux canadiens et donc on a décidé de faire dans notre bilan où on avait une dizaine de milliards d'actifs, de faire une dépréciation, de dire « ces actifs ils ne valent pas ». On a investi 10 milliards il y a 10 ans, on a fait ces dépenses, mais compte tenu de ce qu'il se passe, ils ne valent plus 10 milliards, ils valent plutôt deux ou trois milliards, on a éliminé sept milliards. Ce travail de revue on l'a fait avec l'idée de regarder les actifs pétroliers qui en gros avaient des coups de production trop élevés, on les a trouvés, on ne va pas les retrouver demain matin parce que je peux vous dire quand on fait ce genre d'exercice, on le fait vraiment, on ne s'amuse pas, une fois qu'on atteint des sommes pareilles, ce n'est plus une question d'un ou deux milliards. Cela a été fait. Je promets à votre interlocuteur, à Roger, qui devrait ne pas nous revoir venir là-dessus. Si on a été plus résilient, c'est que profondément la différence entre TOTAL et nos concurrents, c'est que le point mort TOTAL, le cout de production du baril est plus bas que celui de nos concurrents. On a un cout de production de 5 dollars, les autres sont plutôt entre 8 et 10 dollars. On a un point mort qui cette année était à 25 dollars. Quand le baril baisse, on a toujours un moyen de délivrer des résultats, du cash-flow. Quand on fait des dépréciations sur ces actifs qui ont des couts de production élevés, on est cohérent. En fait, on dit que ces actifs, c'est le passé. Soyons clairs, il n'y avait rien, c'est vraiment une correction des choses passées, il n'y a pas eu une perte de sept milliards, il n'y a pas eu sept milliards de cash qui sont sortis de TOTAL. C'était une opération sur le bilan et encore une fois oui, elle était exceptionnelle.
Laurent GRASSIN :
C'est en ayant un bilan aussi fort, on peut le dire, qu'on crédibilise cette ambition d'intégrer le top 5, parce que cela aussi c'est un des leitmotivs de TOTAL, intégrer le top 5 mondial des producteurs d'énergies renouvelables. J'ai lu vos déclarations récentes, on était à sept gigawatts en 2020, on annonce 35 gigawatts en 2025 et 100 gigawatts en 2030, cela vous l'avez déclaré en début d'année
Patrick POUYANNÉ :
Oui, je l'ai déclaré et c'est vrai. Vous savez ce qu'on a fait, c'est qu'on s'est dit « bon, si on fait cette stratégie multi énergies, on est aujourd'hui un des plus groupes pétroliers, gaziers mondiaux, numéro deux du GNL, dans le top 4 des pétroliers, si l'on va vers l'électricité renouvelable, on ne peut pas y aller simplement comme un alibi, l'idée n'est pas de mettre un peu de vert dans le portefeuille pour faire semblant, on y va vraiment ».
Laurent GRASSIN :
On dit parfois que TOTAL c'est cosmétique...
Patrick POUYANNÉ :
Ce n'est rien de cosmétique parce que ces gigawatts, ils existent et les 35 gigawatts maintenant ils existent, on sait où ils sont, il faut les construire, faut qu'ils produisent mais on sait où ils sont. On a dit « bon attendez, on va regarder où se situent les plus grands des énergies renouvelables, les grands électriciens, par les petites sociétés nouvelles qui ont en gros 5 gigawatts, qu'annoncent les très grands électriciens qui se disent parmi les leaders des énergies vertes ? On s'est rendu compte qu'en 2030, il fallait être autour de 100 gigawatts pour être dans le top 5. »
Laurent GRASSIN :
C'est plus que le parc nucléaire français, c'est cela ?
Patrick POUYANNÉ :
Oui, en gros 100 gigawatts c'est à peu près 100 milliards de dollars à investir.
Laurent GRASSIN :
Un milliard le gigawatt.
Patrick POUYANNÉ :
Oui, un peu moins, parce que le solaire...disons 65 ou 70 milliards. C'est à peu près l'ordre de grandeur. Avec cela, on s'est rendu compte que cette ambition est dans le top 5. Je pense que pour un groupe, c'est très important d'aller dans une direction mais d'y aller vraiment. C'est cela qui sera crédible. Je peux le dire d'autant plus qu'encore une fois, l'année 2020 a été une année pour moi, de ce point de vu là qui a démontré qu'on avait la capacité de le faire. On a annoncé, en 2020, près de 10 gigawatts nouveaux, et depuis le début de l'année 2021, également 10 gigawatts, ce n'est pas simplement des chiffres, des objectifs, derrière tout cela, il y a des projets en Inde, en Espagne, aux Etats-Unis, en offshore britannique, en France bien évidemment, on a identifié ce portefeuille. D'ailleurs, on a une croissance actuelle. Bien sûr, on me dit c'est petit en 2020, oui d'accord c'est petit en 2020 mais laissez-nous le temps de construire tout cela. En gros, une société de 35 gigawatts, en bourse elle vaudrait 35 milliards de dollars. Le but c'est de créer de la valeur chez TOTAL.
Laurent GRASSIN :
On va en reparler de la valorisation de TOTAL. Il y a deux questions. Je pense que celle-là vous y avez déjà répondu un certain nombre de fois mais il faut la poser, de Clément : « des acquisitions dans le domaine des énergies renouvelables sont-elles envisagées ? ». Question d'une personne qui nous regarde : « Comment faire pour ne pas surpayer ces acquisitions ? ». Pascal : « Comment se compare la stratégie de TOTAL avec les autres majors européennes SHELL, BP et américaines en termes de diversification (énergies fossiles vs renouvelables) et de rentabilité ? ». Est-ce que TOTAL qui diversifie à grosse cadence ne se met pas en risque ? Quels sont les arbitrages entre projets, entre théorie et acceptabilité environnementale ?
Patrick POUYANNÉ :
Tout cela c'est au cœur de la stratégie. C'est là qu'on cherche à trouver la bonne balance entre nos énergies traditionnelles qui nous apportent de la valeur, c'est pour cela que je dis que sur les 10 prochaines années, la production de pétrole sera en gros stable voire un peu déclinante, parce que c'est elle qui nous sort du cash-flow aujourd'hui donc j'en ai besoin pour faire de l'investissement. Après c'est une question de bonne mesure. On prévoit d'investir, on a dit, plus de 20 % aujourd'hui de nos investissements dans les renouvelables, il en reste dans d'autres. On va me dire que ce n'est jamais assez. C'est justement ce qu'on cherche à trouver, c'est maintenir la rentabilité. Honnêtement, ce qu'on vient de se prouver depuis deux ans, et c'est pour cela qu'on accélère dans cette stratégie, on est capable d'identifier tous ces projets qu'on a mis dans notre portefeuille, ils ont une rentabilité supérieure à 18% sur notre capital ce qui n'est pas si mal et par ailleurs ils ont une caractéristique qui est très différente du pétrole et du gaz, c'est pour cela qu'ils nous intéressent également, c'est qu'aujourd'hui on développe du renouvelable avec des contrats qu'on appelle des contrats d'achats qui sont garantis soit pas les Etats, soit par les entreprises, ce qu'on appelle des PPA qui sont longs et donc qui ont un revenu quasiment garanti. On a de la visibilité. Notre revenu pétrolier et gazier bouge. Ils sont volatiles, on le voit en ce moment. Quelque part, cette énergie renouvelable nous introduit dans notre business model, dans notre portefeuille, des revenus plus stables, un peu comme nos réseaux aujourd'hui, nos stations-services qui sont beaucoup plus stables et moins dépendantes du prix du pétrole.
Laurent GRASSIN :
Finalement, il y a de la récurrence là où on ne l'imaginerait pas forcement.
Patrick POUYANNÉ :
Exactement. C'est aussi un argument. On se sent à l'aise à continuer à investir. Est-ce qu'on fait des acquisitions ? On en fait mais on cherche plutôt non pas des actifs qui existent parce que cela coûte extrêmement cher. Acheter des actifs qui sont déjà construits cela coûte cher parce que d'ailleurs on est plutôt vendeur. On se retrouve en concurrence avec des fonds de pension ou des assurances qui sont prêts à payer des rentabilités extrêmement faibles. Vous ne nous avez pas vu acheter des actifs existants. On est intervenu pour acheter des développeurs qui ont des pipelines de projets qui sont encore, je dirai, au stade prématuré de développement, qui n'ont pas les capacités financières pour le faire et nous on leur apporte. On intervient sur des acquisitions qui sont relativement limitées. On en a fait une relativement importante cette année en Inde, où on a investi deux milliards dans un groupe qui s'appelle ADANI GREEN, qui est le plus grand groupe indien solaire. Encore une fois, il offre un portefeuille qui va faire 50 gigawatts, on est devenu actionnaire d'une société à 20% qui est encore en développement et qui va nous offrir à nous aussi des opportunités de développement. On cherche le bon mix, je rassure nos actionnaires. On n'est pas en train de sacrifier au vert ou au volume de la valeur, on est toujours dans l'idée qu'il faut trouver le bon mix. Je peux vous dire d'ailleurs qu'on est entré aux Etats-Unis dans les renouvelables, on a dû éliminer quatre ou cinq dossiers avant d'en accepter deux parce qu'on trouvait justement que si la rentabilité n'est pas au rendez-vous, on a cet objectif de 10%, on dit non et puis on cherche autre chose. L'avantage des énergies renouvelables c'est qu'il y a énormément d'opportunités sur la planète, il ne faut pas se concentrer sur les quelques marchés très matures Amérique et Europe, il faut aller regarder ailleurs. On regarde en ce moment des projets en Inde, en Afrique, en Amérique du Sud, c'est-à-dire que le monde est grand et comme cette tendance à la transition énergétique, on la trouve partout, cela nous offre des opportunités de croissance rentable dans ces énergies-là.
Laurent GRASSIN :
Rapidement pour répondre à Pascal, par rapport aux petits camarades justement, vous vous estimez plutôt en avance, plutôt en ligne, plutôt... ?
Patrick POUYANNÉ :
On est assez différents. Non, je pense qu'on est assez différents. On voit que TOTAL et BP se ressemblent en termes de stratégie. Les deux, on a dit qu'on va aller dans les renouvelables et notamment qu'on va aller dans la production renouvelable. SHELL parle beaucoup d'électricité mais pas vraiment de production, ce qui pour moi... Alors que nous, on veut être intégrés. On parle de production, on parle de vente. On a des clients, on construit un portefeuille de clients que je ne dois pas oublier. On a maintenant à 7 à 8 millions de clients dans le gaz, l'électricité à qui on distribue. Nos deux collègues américains donc, clairement, eux au contraire disent « On ne veut pas aller dans l'éolien ou le solaire, ce n'est pas notre métier ». Ils parlent de gaz renouvelable, ils parlent d'hydrogène. Donc ils vont plutôt vers les sujets gaziers. Et donc, sur les renouvelables, je dirais il y en a deux qui se rapprochent, qui sont proches, ce sont TOTAL et BP et voilà. Ce qui veut dire d'ailleurs qu'en ce moment, le club des pétroliers est en train vraiment de diverger. D'ailleurs, je pense que moi, je ne souhaite plus être catégorisé...
Laurent GRASSIN :
Comme un pétrolier. TOTAL, c'est un groupe d'énergie.
Patrick POUYANNÉ :
Mais non, parce que les analystes, ils continuent à nous considérer comme un pétrolier. En fait, nous, on est une entreprise multi-énergies. Et sur cette partie-là, on se rapproche beaucoup plus de sociétés comme ENEL, IBERDROLA dont tout le monde dit qu'elles sont vertes. En fait, ENEL et IBERDROLA, ils ont aussi une grosse partie de leur portefeuille qui est plutôt fossile, gaz d'ailleurs beaucoup ou charbon, voire nucléaire. Et quelque part, ils ont réussi, parce qu'ils sont électriciens, ce que nous ne sommes pas...
Laurent GRASSIN :
À vendre peut-être plus facilement aux investisseurs ce modèle...
Patrick POUYANNÉ :
A vendre effectivement leur modèle de diversification électrique. Mais profondément, faire de l'éolien offshore, c'est presque plus proche de construire des plateformes pétrolières que de construire des centrales à gaz à terre, ça, je peux vous le garantir. Donc c'est là qu'il y a une convergence des énergies. Et donc, nous, ce qu'on veut, eh bien oui, le club des pétroliers, on est cinq. Un jour viendra où on ira se comparer non pas qu'à ceux-là mais à d'autres sociétés qui sont dans le multi-énergies, qui sont des énergéticiens, même si je n'aime pas ce mot-là que je ne trouve pas beau.
Laurent GRASSIN :
Alors, dans ses objectifs, vous l'avez dit, le XXIe siècle sera électrique et donc TOTAL doit devenir un grand électricien avec un objectif de croissance rentable là aussi presque à marche forcée de sa production électrique.
Patrick POUYANNÉ :
Eh bien il faut. Non, mais quand on part petit, ça va croître vite.
Laurent GRASSIN :
Oui, il y a un effet...
Patrick POUYANNÉ :
Je veux dire vous passez de 14 à ... térawattheures. Il faut faire attention, les chiffres... Dans ces énergies-là, donc on va effectivement croître cette année de près de 50 % mais enfin les 14 térawattheures, ce n'est pas beaucoup. Ce qu'on vise, c'est plutôt de 100, 120 térawattheures en 2030. Donc là, ça commencera à être... Mais 20 térawattheures, ce sont à peu près un peu moins de 100.000 barils/jour équivalent donc c'est encore petit. Mais il y a une volonté de croître mais rentable parce que vous voyez d'ailleurs, 2021, ce qu'on veut, c'est un EBITDA de notre partie électrique de pas loin de 800 millions de dollars je dirais. Donc ça commence à ressembler à quelque chose. Non, notre ambition, elle est forte et on va être, je dirais têtus, c'est-à-dire qu'en fait, année après année, on va délivrer de la croissance sur ce segment-là de façon à faire encore une fois... In fine ce qu'on veut, 2030, c'est que l'électricité, ce soit 15 % de TOTAL et puis ça continuera à croître les années futures.
Laurent GRASSIN :
Et on voit que la rentabilité est au rendez-vous pour rassurer peut-être les investisseurs qui nous regardent et qui ont posé ces questions.
Patrick POUYANNÉ :
Je l'espère.
Laurent GRASSIN :
L'autre grand pilier, c'est le gaz naturel liquéfié, deuxième pilier de la croissance de TOTAL, un marché qui affiche une croissance à deux chiffres. Comment là aussi ça s'insère au cœur de votre stratégie ?
Patrick POUYANNÉ :
On a commencé à la mettre en place cette stratégie il y a déjà deux, trois ans lorsqu'on a racheté le portefeuille gaz naturel liquéfié d'ENGIE, on est devenus le n° 2 mondial. On a multiplié les opportunités. On a un portefeuille très diversifié. Donc là, on est au cœur de quelque chose qui est fort, qui existe déjà, vous voyez, qui délivre en ce moment plus... qui a été très résilient en 2020, plus de 3 milliards, quasiment le même résultat qu'en 2019...
Laurent GRASSIN :
3,2 milliards de marge...
Patrick POUYANNÉ :
Alors que les prix du gaz ont beaucoup baissé en 2020 comparé à 2019 à cause de la crise. Mais
on a un résultat quasiment équivalent, pourquoi ? Parce qu'on a une forte croissance, on a des projets un peu partout dans le monde, on est très diversifiés : Russie, Moyen-Orient, Etats-Unis. On est
aujourd'hui le plus grand exportateur de gaz naturel liquéfié américain chez TOTAL et on a des projets
derrière. C'est un segment où on a une très forte visibilité. On peut décrire quasiment les projets qu'on
doit mettre en œuvre sur les 10 prochaines années. Donc c'est un point de force. En plus, c'est un
marché qui a tendance à se mondialiser. Alors il faut aller vendre en Chine, en Inde.
Laurent GRASSIN :
On a dit la Chine, l'Inde, c'est ça.
Patrick POUYANNÉ :
C'est la Chine, c'est l'Inde, c'est le Vietnam. Et si on a fait des...
Laurent GRASSIN :
C'est de les faire passer du charbon au gaz, c'est ça, notamment ces pays ?
Patrick POUYANNÉ :
Oui, c'est ça. Profondément, c'est ça. Le pari, c'est qu'il faut convaincre. Alors ce n'est pas si
simple parce que le charbon coûte beaucoup moins cher que le gaz.
Laurent GRASSIN :
C'est ça.
Patrick POUYANNÉ :
Mais tous ces pays-là sont engagés également dans la neutralité carbone. Ils ne vont pas tous au
même rythme que l'Europe. Et l'Inde est très symbolique pour moi parce qu'on a fait deux gros
investissements au cours des trois dernières années dans le gaz, gaz naturel liquéfié et la distribution de gaz avec le groupe ADANI et puis dans les renouvelables. En gros, c'est le bon mix pour nous si on
veut faire évoluer les économies émergentes, elles n'iront pas directement qu'à l'électrique. Vous savez, les véhicules électriques, il faut déjà faire de l'électricité. Et donc il faut les amener quelque part à cette transition et le gaz est la bonne énergie de transition. Bien sûr que petit à petit, il laissera sa place mais pour les 30 prochaines années, il y a un potentiel important de croissance.
Laurent GRASSIN :
Alors vous l'avez dit, c'est une énergie de transition. On dit souvent «Ah oui ! Mais le gaz, ce
n'est pas vraiment un renouvelable ». Mais là aussi justement, l'objectif de TOTAL, c'est de le verdir
avec soit du gaz renouvelable issu de fermentation de matières organiques pour faire simple ou même
d'hydrogène décarboné. Là aussi ce sont deux chantiers sur lesquels vous avancez.
Patrick POUYANNÉ :
Eh bien il faut avancer parce que là encore, ça fait partie de la transition et c'est complètement
cohérent. Accompagner dans la décarbonation. Il faut qu'on accompagne notre pétrole, je dirais de ce
qu'on appelle des biofuels, des biocarburants, on y est déjà. Et le gaz, eh bien il faut y aller également
pour voir comment on peut faire du gaz décarboné. Donc le biogaz, oui, on a fait des investissements en France cette année. On est maintenant...
Laurent GRASSIN :
Acquisition de FONROCHE
Patrick POUYANNÉ :
Avec FONROCHE, on va avoir plus de 10 %...
Laurent GRASSIN :
Vous êtes n° 1 en France...
Patrick POUYANNÉ :
Oui, n° 1 de la production et c'est un moteur de croissance. On regarde... aux Etats-Unis qu'on est en train de construire avec CLEAN ENERGY. Et puis l'hydrogène. Eh bien l'hydrogène, on a des petits projets encore mais l'hydrogène est une ambition importante parce que je pense que... Alors, aujourd'hui, tout le monde en parle, il n'y a pas encore la demande au rendez-vous. Donc ça va prendre un peu de temps. Mais nous, on se voit très bien comme un producteur d'hydrogène massif. Si, comme on le pense, la décarbonation du transport de marchandises passe par des camions à hydrogène, eh bien il va falloir produire massivement de l'hydrogène. Et donc il faut trouver des endroits où on pourra le produire soit sur base gaz, sur base électrolyse de l'eau. Donc, ça, c'est un chantier nouveau, on va y faire des pas dans les cinq prochaines années avec ENGIE, avec d'autres un peu partout.
Laurent GRASSIN :
Justement, on a eu beaucoup de questions sur l'hydrogène mais ça ne va pas vous surprendre parce que c'est souvent le cas des gens qui nous regardent, plus de 50 questions. On a pris celle de David qui nous dit « Finalement pour l'hydrogène, à quelles étapes processus de production et/ou de distribution TOTAL envisage de se positionner en France et au plan international ? »
Patrick POUYANNÉ :
Eh bien moi, ce que je pense, c'est qu'on ne va pas aller concurrencer AIR LIQUIDE, AIR PRODUCTS, LINDE à faire des gaz industriels, ça, c'est leur métier, c'est-à-dire faire du gaz en petite quantité mais pour des applications industrielles. Ils ont un savoir-faire, je pense que ce n'est pas vraiment... Par contre encore une fois, produire de l'hydrogène massif comme on a produit du gaz naturel liquéfié massif, il y a 40 ans on a lancé cette industrie, ça, je le pense. Je pense qu'on peut devenir producteur d'hydrogène. Alors il faut bien sûr que la demande soit là. Mais construire des fermes solaires de 4 gigawatts pour faire 1 million de tonnes d'hydrogène...
Laurent GRASSIN :
Ce n'est pas là où vous voyez TOTAL...
Patrick POUYANNÉ :
On peut rentrer dans de l'hydrogène massif ou sur des champs de gaz importants, ça, c'est clair. Après, on peut distribuer l'hydrogène évidemment. Si demain, les camions fonctionnent à l'hydrogène, on a des réseaux, on a déjà nos réseaux. Nos réseaux, ils utilisent... On produit déjà du gaz naturel pour les camions. Donc, demain, shifter à l'hydrogène, voilà. Donc TOTAL a sa place dans cette économie-là qui est encore en train de se faire. Tout le monde en parle et tout le monde se précipite. Pour être honnête, la vérité pour l'instant, c'est que la demande n'est pas grande.
Laurent GRASSIN :
Ça reste balbutiant.
Patrick POUYANNÉ :
Ça reste balbutiant, il n'y a pas de demande. Alors sans doute mais il faut faire des efforts. Regardez, vous savez, il y a 10 ans, le solaire paraissait loin, enfin était encore coûteux, l'éolien
offshore. En l'espace de 10 années, tout ça, l'accélération exponentielle de la baisse des coûts...
Laurent GRASSIN :
A complètement changé...
Patrick POUYANNÉ :
Fait que quelque part, on a ces énergies-là. Donc on sera présents sur ces sujets-là et on a des premiers projets et vous entendrez indiscutablement parler de TOTAL dans le domaine de l'hydrogène.
Laurent GRASSIN :
On arrive presque à la fin de cette présentation et je me rends compte qu'on n'a pas encore vraiment parlé de pétrole ensemble ni même d'activité aval, raffinage, chimie, distribution, services. Comment se comportent aujourd'hui les deux piliers historiques du groupe ?
Patrick POUYANNÉ :
Et heureusement qu'ils sont là. D'abord, vous avez énoncé les piliers, ils ne sont pas historiques, ils sont actuels les deux piliers.
Laurent GRASSIN :
Historiques et actuels.
Patrick POUYANNÉ :
Ce sont eux qui fournissent le cash-flow, il ne faut pas l'éviter. L'année dernière, vous voyez, sur les 16 milliards de cash-flow générés, il y en a quand même 12-13 milliards qui sont venus du pétrole, soit de l'amont qui a remarquablement fonctionné, 50 % de la marge brute d'autofinancement venaient du pétrole amont, soit de l'aval qui a souffert parce que les marges de raffinage sont très basses. La crise, la demande s'est effondrée. Le prix du pétrole, lui, a remonté donc les marges de raffinage, il n'y en a pas ou très peu. Mais malgré tout, c'est un moteur, l'aval, qui génère, vous voyez, 4,7 milliards en pleine crise. On dit plus de 5 milliards cette année, c'étaient 6 milliards. Donc ce sont des moteurs qui fonctionnent et qui sont essentiels. C'est pour ça qu'encore une fois pour nous, le pilotage fin...
Laurent GRASSIN :
On ne peut pas devenir un acteur du renouvelable sans...
Patrick POUYANNÉ :
Il ne s'agit pas de sortir parce qu'il n'y a pas de secret, si je veux investir l'équivalent de 60-70 milliards dans les prochaines années, il faut bien que je sorte l'argent quelque part, il n'y a pas de miracle.
Laurent GRASSIN :
Il n'y a pas d'argent magique.
Patrick POUYANNÉ :
Et donc il vient du pétrole. Et c'est d'ailleurs un des atouts, je dirais, des pétroliers pour être des acteurs majeurs de la transition énergétique. C'est peut-être pour ça qu'on suscite autant d'ailleurs, je dirais de jalousie quelque part ou de commentaires parce que les gens voient bien qu'on a un moteur financier important et qui est tiré par la demande. Encore une fois, on produit ce pétrole parce qu'il est demandé aujourd'hui. Et il ne faut pas oublier qu'aujourd'hui, l'essentiel de l'économie mondiale fonctionne à base de pétrole. Ça va bouger comme je l'ai dit et donc on fait bouger TOTAL de façon à anticiper ces mouvements. Mais ces métiers-là sont importants et ils ne font pas du tout partie du passé, ils font partie du présent et en même temps, il faut construire le futur.
Laurent GRASSIN :
Peut-être votre réaction à une question de Serge : « Quel est votre sentiment sur le marché du raffinage actuellement et votre vision à moyen terme ? Plutôt sur la vision terme parce que vous...
Patrick POUYANNÉ :
La prévision moyen terme, ça dépend où on est mais le raffinage européen, il est clair que s'il y a moins de demande de produits pétroliers, il y aura moins de raffinage. Ce n'est pas la peine de continuer. Donc on le savait depuis une dizaine d'années, il faut adapter l'outil de raffinage, il faut anticiper. TOTAL le fait avec courage et avec nos équipes et je sais que ce n'est pas simple. On a transformé l'usine de la raffinerie de La Mède en une bioraffinerie. On a annoncé cette année qu'on allait transformer Grandpuits en une bioraffinerie. Et une partie d'ailleurs de...du raffinage est dans les biocarburants, alors, sans doute pas d'origine végétale, faudra-t-il sans doute aller plus tard vers l'économie circulaire, utiliser les déchets de graisses animales, les divers déchets pour faire ces produits mais il y a là un futur pour le raffinage. Par contre, raffiner des produits pétroliers, eh bien s'il y a moins de demande, il faudra en raffiner moins. Donc, ça, la stratégie que nous avons, c'est d'anticiper, de ne pas attendre d'être en 2035 avec les constructeurs automobiles qui nous disent « Il n'y a plus besoin de produits pétroliers parce qu'il n'y a plus de moteurs thermiques ». Il y en aura encore parce qu'en fait, ils vont arrêter d'en vendre en 2035 mais il y en aura encore qui rouleront pendant une dizaine d'années. Il faut qu'on anticipe sinon, eh bien ce sera douloureux. Donc je préfère petit à petit mettre en œuvre...
Laurent GRASSIN :
Enclencher le mouvement...
Patrick POUYANNÉ :
Enclencher un mouvement, voilà. Donc les raffineurs ont toute leur place aujourd'hui, on leur fait confiance mais d'autant plus qu'on est assez satisfaits d'avoir découvert que transformer une raffinerie en bioraffinerie, ça se fait avec certes des investissements mais c'est compétitif et ça permet de garantir cette transition également dans ces métiers-là.
Laurent GRASSIN :
Vous l'avez dit, cet argent pour financer cette transformation de TOTAL, il faut le trouver, ce n'est pas de l'argent magique. Et ça tombe bien parce que la génération de trésorerie, ça reste un des points forts de TOTAL et le meilleur est peut-être à venir.
Patrick POUYANNÉ :
Mais bien sûr Oui, bien sûr C'est un des atouts encore une fois. Cette année à 50 dollars alors qu'on est plutôt à 60, on va générer plus de 20 milliards et chaque fois qu'il y a 10 dollars du baril de plus, ce sont 3 milliards de plus. Et surtout, puisque je vous montrais qu'on avait un potentiel de croissance — électricité renouvelable, le GNL —dans tous nos métiers, il y a de la croissance, on annonce que d'ici 2025 en fait, associé à cette croissance, on voit un ajout, je dirais, de trésorerie de près de 5 ou 6 milliards de dollars/an. Donc ça veut dire qu'on offre quelque part... Et ça nous permettra d'être plus résilients et donc on offre un potentiel de croissance de cash. Donc je pense que les actionnaires individuels qui nous rejoignent, ils nous écoutent aussi là-dessus.
Laurent GRASSIN :
Alors, justement, certains diront peut-être qu'on a gardé le meilleur pour la fin, on n'a pas encore évoqué la politique de dividende du groupe, ce sont 2,64 euros/action au titre de l'exercice 2020. Parler du coupon, c'est aussi plus généralement finalement parler de l'allocation de cash-flow. Et dans ce domaine, on peut dire qu'il n'y a pas vraiment de surprise parce que les priorités de TOTAL là aussi sont solidement ancrées.
Patrick POUYANNÉ :
Ce sont les mêmes. La première, c'est d'investir dans le futur de l'entreprise parce que si je veux alimenter demain les cash flows pour alimenter le coupon et le dividende, eh bien il faut que j'investisse. Cette année, on est un peu..., on était prudents, 12 milliards, parce que la crise, parce qu'on n'a pas beaucoup de visibilité mais en gros, on investira 13-16 milliards sur les prochaines années avec renouvelables et électricité qui font plus de 20 %. On a démontré cette année que les actionnaires peuvent nous faire confiance. D'ailleurs, c'est très important, je pense, pour le conseil d'administration de montrer aux actionnaires que malgré la crise, on était suffisamment solides.
Laurent GRASSIN :
Le maintien du dividende, oui.
Patrick POUYANNÉ :
Donc on a maintenu le dividende ; certains de nos concurrents l'ont divisé par deux, par trois.
Laurent GRASSIN :
Et sans demande d'aides publiques aussi, c'était aussi...
Patrick POUYANNÉ :
Oui, mais ça, ça allait avec parce que ça, si j'avais demandé de l'aide publique, je pense que... pour moi.
Laurent GRASSIN :
C'est vrai.
Patrick POUYANNÉ :
Soyons clairs là, le modèle d'une entreprise comme TOTAL, c'est d'abord, s'il y a des difficultés, de faire appel à ses actionnaires qui sont les vrais propriétaires. Je ne vais pas chercher l'Etat alors que j'ai des actionnaires. Donc aides publiques auraient supposé que je mette le dividende, non pas à la baisse de 20 ou 30 % mais à zéro, ce qui n'était pas... On n'avait pas de souci. Le bilan nous permettait, on a fait cette analyse au mois de mars-avril. Naturellement, on l'a piloté avec le conseil d'administration tous les trimestres parce qu'on ne savait pas où on allait. On a su traverser. Donc ça démontre la solidité et je pense que profondément pour moi, un groupe pétrolier, parce qu'on a des fondamentaux qui sont un point..., doit être capable de traverser les cycles sinon pourquoi acheter une action TOTAL ? Acheter un baril de pétrole, ce sera le même effet. Mais le pétrole, j'ai de la valeur ajoutée parce que justement, mon portefeuille à moi, il est plus résistant que le baril de pétrole. Après le bilan, c'est très important. Donc la priorité en ce moment, si j'ai plus de cash parce que le baril est plus haut, ça va être de revenir en dessous d'un gearing, un niveau d'endettement plus bas. C'est très important parce qu'il faut être capable justement pour assurer la traversée des cycles. Et puis on verra, si on beaucoup d'argent un jour, eh bien on ira voir si on rachète des actions. Mais pour l'instant, la priorité, c'est de maintenir cette politique de dividende. On l'a fait dans la pire crise qu'on n'ait jamais connue. Je pense que 2020 restera quand même une histoire un peu folle. 2021, on n'en est pas encore sorti mais enfin pour ce qui concerne les prix des pétrole-gaz, c'est meilleur. Donc je pense que de ce point de vue-là, la meilleure réponse à ceux qui se posent des questions sur la rentabilité, c'est : regardez ce qu'on a fait cette année. Et on compte maintenir cette politique.
Laurent GRASSIN :
Justement, vous répondez à deux questions. Max : « Pensez-vous que la diversification de la société vous permettra de poursuivre la politique actuelle en matière de retour à l'actionnaire ? Vous avez répondu oui. Et Christian : « La distribution du dividende sera-t-elle préservée ? » Et puis on a une question un peu différente de Daniel qui dit « Eh bien finalement, pourquoi ne pas réduire ne serait-ce que très légèrement les dividendes pour accélérer encore la transformation énergétique ? »
Patrick POUYANNÉ :
Non.
Laurent GRASSIN :
Ils n'ont pas été nombreux à la poser celle-là mais c'est intéressant.
Patrick POUYANNÉ :
Non non, mais il y en a certains qui me posent la question donc c'est une bonne question. D'abord, je voudrais dire que, quand même, il y a quelque chose qui devrait aussi attirer vos auditeurs c'est le fait qu'avec 2,64 euros/action, le rendement est de 7,5. L'objectif, ce n'est pas de le maintenir à 7,5, c'est que le cours de l'action remonte pour que le rendement baisse un peu.
Laurent GRASSIN :
Diminue, oui.
Patrick POUYANNÉ :
Donc notre objectif, nous, on considère qu'une action comme TOTAL doit offrir un rendement de 5,5 non pas en baissant le dividende mais parce que le cours...
Laurent GRASSIN :
Mais en augmentant le cours de l'action...
Patrick POUYANNÉ :
En augmentant le cours de l'action. Donc il faut quand même garder en tête que quand vous investissez sur TOTAL, vous investissez dans une action qui est encore décotée quelque part. Et tout ce qu'on cherche à faire... Pourquoi elles sont décotées ces actions pétrolières ? C'est parce que le prix monte et descend donc le marché s'interroge mais aussi à cause de la pérennité quelque part. Les questions se posent : est-ce que ça va durer une entreprise pétrolière dans ce contexte climatique ? Et lorsqu'on a cette stratégie, je dirais énergie, climat, électricité, le but, c'est de répondre à cette question : oui, TOTAL sera durable parce qu'on est en train d'investir sur les énergies de demain et donc on est en train de garantir quelque part la rentabilité de l'entreprise. C'est ça l'objectif. Alors, après, non, mais ce n'est pas un peu qu'il faudrait baisser le dividende parce qu'un peu de dividende, vous savez, le dividende, 2,64, ça fait 8 milliards. Donc, si je veux avoir 2 milliards de plus parce que 1 milliard, je peux le dégager aujourd'hui si je voulais investir, 2 milliards de plus, il faut que je baisse le dividende d'un quart. Je ne suis pas sûr que tout le monde sera content parmi mes actionnaires. Et surtout je vais vous dire, aujourd'hui, ce n'est pas le sujet. Nous ne limitons pas notre croissance dans l'électricité renouvelable à cause d'un problème financier. Nous avons des moyens financiers importants. Si je veux ajouter 1 milliard, on le fera. En fait, surtout on cherche des bons projets. Alors on a accéléré cette année, on est passés de 10 % nos investissements, en gros, 1,5 milliard, à 20 %, c'est-à-dire près de 2,5 milliards à 3 milliards. Donc vous voyez... Mais on l'a fait parce qu'on a les moyens, on sait, nos équipes nous amènent des bons projets. Donc, si on continue à amener des bons projets, je mettrai plus d'argent sur ce segment-là mais c'est donc la bonne combinaison. Donc je vous dis, c'est toujours cette idée de balance entre rentabilité et croissance. Donc, moi, je vous dis ce n'est pas la bonne politique. Je pense qu'il vaut mieux au contraire...
Laurent GRASSIN :
Voilà, le dividende, on le maintient, oui...
Patrick POUYANNÉ :
A un moment où on se transforme, à un moment où on veut engager et convaincre nos actionnaires de nous suivre, je pense qu'il est important de leur dire : suivez-nous parce que justement, on maintient ce dividende et en même temps, on construit les dividendes de demain. Voilà en gros le message qu'on leur donne.
Laurent GRASSIN :
Merci Patrick POUYANNÉ. C'est la fin de cette présentation. Il y a beaucoup de questions qui sont tombées, je vais vous demander des réponses courtes parce qu'on va essayer d'en passer le maximum possible dans le temps qui nous est imparti.
Patrick POUYANNÉ :
D'accord.
Laurent GRASSIN :
Question de Bernard sur le prix du pétrole qui nous dit « Monsieur POUYANNÉ, vous avez indiqué que le prix du baril ne resterait pas à son niveau actuel de 70 dollars. Or, il est possible qu'une reprise économique soit forte dans les prochains mois avec une possible reprise forte de la consommation dont celle du pétrole. Comment, dans cette perspective, le prix du baril pourrait baisser ? »
Patrick POUYANNÉ :
Ecoutez, je ne sais pas si je suis une mauvaise Pythie mais j'ai dit ça il y a un mois et le prix du baril est tombé de 70 à 60 et depuis, il est remonté à 65. D'ailleurs, au passage...
Laurent GRASSIN :
Il y a du stock un peu...
Patrick POUYANNÉ :
En fait... c'est qu'il y a beaucoup de stock parce que la crise, comme on a continué à produire, il y a énormément de stock un peu partout, il fau en être conscient. Alors tout le monde est très optimiste, c'est pour ça qu'il monte parce qu'on dit... Tout le monde a envie de sortir de la crise.
Laurent GRASSIN :
Ça va monter.
Patrick POUYANNÉ :
Donc ça va monter mais bon, les chiffres ne sont pas tout à fait encore là. La demande chinoise de pétrole augmente moins, ils avaient stocké beaucoup de pétrole l'an dernier quand il n'était pas cher, ils en consomment moins en ce moment. Donc, voilà. Donc il y a une forte volatilité. En plus, je peux vous dire, je pense que 70 dollars, ce n'est pas bon pour les clients, ce n'est pas une bonne idée parce que les clients des pays émergents...
Laurent GRASSIN :
50-60, c'est mieux ?
Patrick POUYANNÉ :
C'est beaucoup mieux 50-60. En plus, TOTAL résiste très bien. Le modèle de TOTAL, il résiste parfaitement à 50, encore mieux à 60. Mais 70, on détruit de la demande plus vite et donc ce n'est pas une bonne idée fondamentalement. Donc, voilà.
Laurent GRASSIN :
Il ne faut pas être trop gourmand finalement.
Patrick POUYANNÉ :
Non non, il ne faut pas, c'est une des leçons des années passés. Le baril, quand il est monté à 100 dollars, il a créé ses propres concurrents. Il ne serait pas monté à 100 dollars, on ne parlerait pas de toutes les énergies vertes. On en parlerait à cause du climat mais elles auraient eu un rythme de développement plus faible parce que partout sur la planète, on cherche de l'énergie pas chère, voilà. Donc, voilà le... Donc le pétrole doit rester pas cher.
Laurent GRASSIN :
Voilà une question que les analystes vous posent aussi et vous l'avez évoqué, une question d'Omer « Pourquoi ne voulez-vous pas introduire en Bourse la partie renouvelables de TOTAL, réduire la décote de conglomérat tout en gardant une grande partie du capital ? » Le meilleur des deux mondes vu d'un analyste financier.
Patrick POUYANNÉ :
Non, il n'y a pas de décote des conglomérats, il y a une décote parce qu'on est pétroliers et justement, ce qu'on veut faire, c'est... Je ne suis pas en train de déployer fortement les énergies renouvelables et de changer de nom en TOTALENERGIES pour le mot énergies.
Laurent GRASSIN :
D'accord.
Patrick POUYANNÉ :
Ce n'est l'idée. Le mot énergies, je ne vais pas me retrouver demain avec un TOTAL d'un côté, un ENERGIES de l'autre. Non, c'est l'idée d'imposer ce modèle d'une entreprise multi-énergies. Alors on verra, conglomérat, je suis désolé, quand on parle d'un électricien, ... de l'électricité mais quand il a des centrales à gaz, des centrales à charbon, du nucléaire et des énergies renouvelables, ce sont diverses technologies qui produisent peut-être la même énergie mais qui, profondément, sont différentes. Et donc je pense que non, ce n'est pas le sujet. La décote aujourd'hui est plutôt d'être strictement pétrolier donc durable. Et donc la réponse, c'est au contraire mettre dans notre portefeuille plus d'énergies du futur.
Laurent GRASSIN :
Question d'Amaury « Un parc automobile tout électrique dans les pays développés comme la France est-il réaliste et le cas échéant, TOTAL se donne-t-il les moyens de s'imposer sur ce marché ? »
Patrick POUYANNÉ :
Ah ! Je pense qu'en 2050, le parc de véhicules électriques sera tout électrique. Ça, j'en suis convaincu.
Laurent GRASSIN :
Oui, 2050.
Patrick POUYANNÉ :
2050, peut-être avant, 2040, 2045 mais je suis convaincu qu'il sera électrique parce que ça marche très bien le véhicule électrique, parce que tout progresse : les batteries, le coût, etc. Et parce que la société veut qu'on sorte du moteur thermique. Donc je pense que c'est un scénario tout à fait possible qui est dans nos scénarios. La neutralité carbone passe par là. Et TOTAL, c'est bien pour ça, notre ambition, on va l'écrire d'ailleurs dans le document qui sera soumis aux actionnaires, c'est que demain, on veut être aussi réputés dans les bornes de recharge que dans les stations-service. Et ce n'est pas pour rien qu'on est allés prendre la concession de la ville de Paris qui est emblématique. On a pris la concession à Paris, à Bruxelles, dans la région d'Amsterdam et à Londres parce que quelque part, on pense que ce sont des nouveaux métiers différents. Il faut aller vers les clients, ils ne viennent pas nécessairement dans vos stations. Mais qu'il y a là un relais à organiser. Donc, voilà. Donc, oui, la mobilité électrique, on se sent à l'aise à devenir aussi réputés dans la mobilité électrique demain que la mobilité thermique. Et on fait aussi maintenant avec SAFT, on produit des batteries avec STELLANTIS, on s'est associés. Batteries pour véhicules électriques. Donc il y a plusieurs opportunités. La mobilité électrique, il ne faut pas simplement se recroqueviller sur nos stations en disant : elles seront toujours là. Elles seront là mais elles ne feront pas la même chose.
Laurent GRASSIN :
C'est une question de Pierre-Yves justement : « Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette gigafactory à la française... réalisée par SAFT en collaboration avec STELLANTIS ? »
Patrick POUYANNÉ :
Eh bien le projet progresse. On a créé la société, on a des lignes pilotes, enfin une usine pilote qui est plus que pilote parce que c'est une usine industrielle mais de taille réduite qui est en train de se construire en Dordogne pour valider l'ensemble de la chaîne et puis les équipes d'ACC, puisqu'elle s'appelle comme ça - AUTOMOTIV10ELLS COMPANY -eh bien elles sont en train de préparer dans le Nord Pas-de-Calais la future usine, gigafactory. Donc il y a un vrai projet industriel. Le patron de cette société a été nommé. D'ailleurs, STELLANTIS y a mis son directeur industriel. Vous voyez que c'est un sujet majeur pour eux, pour nous aussi. Et avec le soutien des Etats également, il ne faut pas le cacher, puisque France et Allemagne, on nous a apporté plus de 1 milliard d'euros pour faire cette opération. Donc c'est un projet industriel dans lequel on a décidé de s'engager parce qu'encore une fois, il y a une accélération incroyable. Encore une fois, est-ce que vous pensez qu'il y a un an, vous auriez imaginé que GENERAL MOTORS dirait qu'il ne ferait plus de véhicules thermiques ? Donc il faut voir un peu, on est dans une accélération exponentielle de tout ce monde-là.
Laurent GRASSIN :
Les choses sont en train de changer très vite.
Patrick POUYANNÉ :
Donc, si les constructeurs automobiles le font, eh bien essayons de travailler avec eux et d'en tirer parti.
Laurent GRASSIN :
Question un peu différente d'Olivier « La gouvernance d'entreprise dissociant le président du directeur général se développe fortement en France et devient majoritaire au sein du CAC 40, qu'en pensez-vous ? Est-ce qu'elle vient de TOTAL ? » On va quand même dire qu'a priori, le conseil d'administration a renouvelé votre mandat pour les trois ans à venir au titre de président du conseil d'administration et de directeur général. On peut dire que ce n'est pas dans un avenir de court terme.
Patrick POUYANNÉ :
Le débat a eu lieu. D'abord, là-dessus, il faut faire attention aux modes. Moi, je vais vous dire aujourd'hui, il y a une espèce de mode comme quoi...
Laurent GRASSIN :
Il faut dissocier.
Patrick POUYANNÉ :
Moi, je n'ai pas lu de bouquin de management qui le démontrait parce que la dissociation, peut-être qu'on se dit qu'il y a deux tête à penser mais quand il y a des crises, avoir un leader clairement qui soit présent et qui est capable de décider les choses, ça peut être aussi utile. Donc le conseil d'administration a bien évidemment eu le débat au niveau... gouvernance. Et en fait, la question, il faudrait la poser à Marie-Christine COISNE-ROQUETTE que je vous invite à inviter un de ces jours, même si elle n'a pas une société cotée. Mais il y a eu le débat et ils sont arrivés à la conclusion qu'au contraire, dans cette phase de transformation importante du groupe, garder, enfin confier avec des contrepouvoirs parce que vous savez, un PDG, il n'a pas tous les pouvoirs. C'est ça l'idée que... Ce sont les images d'Epinal...
Laurent GRASSIN :
Un peu omnipotent avec un conseil d'administration qui enregistre...
Patrick POUYANNÉ :
Mais ça ne marche pas comme ça. La vérité, c'est que vous voyez, lorsqu'on... de changer de nom, lorsqu'on... de changer de stratégie mais tout ça, ça se passe avec un dialogue important avec le conseil d'administration de TOTAL. Cette année, on a passé peut-être un jour et demi dans un séminaire stratégique à revoir les options. Je rencontre mon administrateur référent, c'est tous les mois qu'on se rencontre, on discute deux heures pour échanger tous les deux. Donc je pense qu'il faut sortir de l'image d'Epinal, il n'y a pas de modèle unique. Il faut assurer la balance dans une entreprise, il faut surtout éviter tout d'un coup...
Laurent GRASSIN :
L'équilibre des pouvoirs...
Patrick POUYANNÉ :
L'équilibre des pouvoirs, c'est juste essentiel. Je pense qu'honnêtement, la gouvernance de TOTAL l'assure. Le conseil d'administration souhaite que je continue à la fois à en être le directeur général et président, eh bien j'en suis très honoré mais encore une fois, moi là-dedans, je pense qu'il faut faire attention. Et souvent d'ailleurs, c'est quand il y a des difficultés et des échecs qu'on en tire des leçons. Il y a aussi des modèles de gens qui sont à la fois chairmans et CEO qui fonctionnent bien. Donc il ne faut pas tout d'un coup dire : il y a une mode. Ce sont des modes et encore une fois, pour avoir observé les divers cas de plusieurs entreprises, tout est possible, le bien, le moins bien dans les deux cas d'ailleurs. La dissociation pose aussi la question en général de ne pas rentrer dans des guerres entre président et directeur général et on sait que ce n'est pas aussi évident que ça d'avoir une double commande à la tête d'une entreprise.
Laurent GRASSIN :
Question de Cathy : « La production des énergies fossiles sert pour l'instant à financer le développement des énergies du futur, à quand le point de retournement ? » Vous voyez, ça se situe quand le moment où finalement... ?
Patrick POUYANNÉ :
Je pense qu'il faut du temps, vous savez. Mais même dans nos industries, il faudra 10 ans pour voir vraiment... La question qui est posée...
Laurent GRASSIN :
On se donne rendez-vous en 2030, c'est ça.
Patrick POUYANNÉ :
Oui, en gros, c'est quand est-ce que le segment électricité renouvelable va devenir, je dirais cash-flow positif ? On ne peut pas vouloir croître jusqu'à 100 gigawatts et croire qu'on va le faire sans investir. Ce n'est pas vrai ça. Mais il n'y a rien de surprenant. Les gens sont surpris, me disent « Mais c'est lent ». Je dis non. Mais moi, quand j'investis, quand nous avons investi en Russie il y a une dizaine d'années, c'est maintenant qu'on peut dire qu'on commence à sortir vraiment de l'argent de la Russie. Mais ce sont des cycles longs l'énergie. Il faut investir. Et quand on est en croissance, eh bien les investissements dominent le cash qu'on en ressort. Donc il n'y a pas de surprise à mes yeux. Il faut, par contre, être permanent et être, comme je disais, un peu têtu parce que sinon c'est lorsqu'on commence à varier en permanence qu'on ne va rien sortir de tout ça. Donc on a pris un axe, il faut développer l'axe à fond pour pouvoir faire cette bascule. Mais honnêtement, 2030, ce sera encore une année où l'essentiel du cash-flow va être dominé par... Mais heureusement d'ailleurs parce que sinon on n'arrivera pas à faire cette croissance dans les énergies vertes et renouvelables.
Laurent GRASSIN :
Je vais vous demander de sortir votre boule de cristal maintenant, Patrick POUYANNÉ, pour la question de Tom : « Quelle est l'évolution moyen terme prévue de la valeur de l'action en fonction de la stratégie actuelle du groupe TOTAL ? » Pour faire simple, quand est-ce que le marché va se rendre compte de cette transformation qui est en cours ?
Patrick POUYANNÉ :
Eh bien j'espère qu'il va s'en rendre compte en changeant de nom en voyant les résultats, en nous donnant crédit. Moi, je pense qu'il faut être patient. Enfin ce n'est pas que je sois... Mais je pense qu'il faut être patient parce qu'en même temps, on va les convaincre petit à petit. Qu'est-ce qui fera que ça déclenchera ? Eh bien on va voir. On y travaille beaucoup, vous savez, pour nous donner ce crédit. Je pense que de plus en plus, moi, j'étais frappé l'an dernier lors de ce qu'on appelle les roadshows au mois de février, alors qu'il y avait peu de questions sur ce qu'on faisait dans ces énergies renouvelables, maintenant, il y a beaucoup, ils veulent comprendre, ils comprennent de mieux en mieux.
Laurent GRASSIN :
C'est en train de changer.
Patrick POUYANNÉ :
Donc c'est en train de changer. Donc je pense qu'il y a aussi cette évolution-là. Donc, moi, je dirais soyons patients mais j'espère bien qu'on atteindra les 50 euros assez vite, oui.
Laurent GRASSIN :
Allez, encore deux questions, cette question de Daniel : « Quels sont selon vous les leviers humains clés pour réussir votre stratégie de transformation ? » Parce qu'une entreprise, ce sont les femmes et les hommes qui la composent.
Patrick POUYANNÉ :
Oui, bien sûr Et ça, c'est la partie qui d'ailleurs m'a heureusement surpris cette année, c'est l'enthousiasme des équipes. Vous savez, quand on décide de faire ce qu'on est en train de faire...
Laurent GRASSIN :
Ça peut frotter un petit peu...
Patrick POUYANNÉ :
Changer de stratégie, changer de nom, on touche des sujets très profonds. Et il y a eu autour de moi, dans les cercles les plus élevés de l'entreprise des débats : est-ce qu'on ne va pas perdre nos équipes ? Où est-ce qu'elles vont ? La vérité, c'est que nos équipes, elles ont accueilli toute cette idée de transformation de multi énergies TOTALENERGIES beaucoup mieux presque que, je dirais les cadres supérieurs, les dirigeants qui ont construit l'entreprise parce qu'en fait, nos collègues, les hommes et les femmes qui travaillent chez TOTAL, ils sont comme les citoyens, ils ont envie d'être positifs, ils ont envie de contribuer à cette transformation, à cette transition énergétique et donc ils se disent qu'on en a les moyen. D'ailleurs, on fait des choses fortes puisqu'on est en train de réorganiser le cœur, je dirais, nucléaire de TOTAL, c'est-à-dire toute l'ingénierie de TOTAL, toutes les compétences techniques de R&D, d'ingénierie, de projet du groupe qui, aujourd'hui, étaient...
Laurent GRASSIN :
Silotées peut-être, oui...
Patrick POUYANNÉ :
Certains étaient dédiés, silotés, certains au raffinage, d'autres à l'exploration-production. On les met tous ensemble avec l'idée qu'ils vont pouvoir, dans leur carrière et grâce leur talent, contribuer à faire certes des usines à gaz naturel liquéfié en Russie mais aussi des éoliennes en mer, mais aussi des panneaux solaires parce qu'on a besoin maintenant — c'est un des défis pour moi des cinq prochaines années d'ailleurs -ç'est d'exécuter. On a été capables d'avoir accès à beaucoup de projets d'énergies renouvelables, il faut maintenant qu'on les délivre, qu'on exécute. L'industrie, c'est un art d'exécution. Et donc, pour cela, on a besoin de toutes les compétences techniques et industrielles de TOTAL. Et là, on en a beaucoup. Et donc, pour moi, la partie humaine — alors, bien sûr qu'on va continuer à recruter des gens parce qu'il va falloir qu'on augmente nos effectifs —elle est une des forces qui... Et honnêtement, leur réaction m'a positivement surpris en ce sens que je me dis : tiens, finalement, tous nos collègues, ils vont plus vite que nous, quoi, ils ont envie d'y aller. Donc tant mieux.
Laurent GRASSIN :
Ils sont prêts.
Patrick POUYANNÉ :
Je vois l'enthousiasme. Ils sont prêts. Donc on va leur donner les moyens, eh bien de contribuer à TOTALENERGIES.
Laurent GRASSIN :
On arrive à la fin de cette webconférence, c'est passé très vite. Si aujourd'hui, je me place du point de vue de l'actionnaire individuel, peut-être quelqu'un qui n'est pas encore actionnaire de TOTAL justement — et vous avez déjà un petit peu répondu à la question -qu'est-ce que vous pourriez me dire pour me dire que j'ai davantage intérêt à investir dans TOTAL plutôt que dans un groupe déjà spécialisé dans les énergies renouvelables, encore que vous m'avez dit qu'il n'y en avait pas vraiment finalement, comme le serait un ENEL, ce qu'on appelle un pure player dans le secteur ?
Patrick POUYANNÉ :
Les pure players, il n'y en a pas beaucoup, il y en a des tout petits. Enfin des tout petits, des
petits.
Laurent GRASSIN :
Certains groupes danois.
Patrick POUYANNÉ :
Il y a des groupes danois, NEOEN en France. Enfin ils ne sont pas très gros, il y en a
quelques-uns, ils vont grossir. Mais vous savez, là-dessus, je vais vous dire, si vous voulez parier dans
cette affaire, bien sûr qu'on peut acheter du TESLA qui est à...
Laurent GRASSIN :
C'est déjà très cher.
Patrick POUYANNÉ :
Oui, aujourd'hui, il est cher, ça, je suis d'accord. Très cher d'ailleurs. Mais il est l'avant-garde
du véhicule électrique. Mais la révolution du véhicule électrique, elle ne va pas se faire avec TESLA
seulement, elle va se faire avec demain STELLANTIS, VOLVO, VOLKSWAGEN qui vont faire le
véhicule électrique et qui vont tirer parti de ces nouvelles croissances. Et il se passe la même chose dans l'énergie. Donc, pourquoi acheter TOTAL ? Eh bien parce que d'abord, c'est une action qui, en fait, fondamentalement, vous offre un bon dividende et qui est pérenne, on l'a démontré.
Laurent GRASSIN :
2,64 euros, on le répète.
Patrick POUYANNÉ :
Plus de 7 % de rentabilité. Et puis parce que justement, on est en train, eh bien d'accélérer sur
ces énergies nouvelles, ce qui veut dire qu'on crée un potentiel de croissance de la valeur de l'action
elle-même. Et le jour où ces 35 gigawatts en 2025 vont être reconnus, je vous ai dit, ils valent en gros,
si je regarde les multiples actuels, à peu près 35 milliards, et qu'on applique les multiples actuels, vous
allez voir que l'action TOTAL devrait suivre. Donc, voilà.
Laurent GRASSIN :
On prend rendez-vous.
Patrick POUYANNÉ :
On prend rendez-vous peut-être avant 2025 quand même mais on prend rendez-vous pour cela.
Laurent GRASSIN :
Merci beaucoup Patrick POUYANNE. On a débordé un petit peu mais il y avait beaucoup de
choses intéressantes à dire. Merci d'avoir été avec nous ce soir pour expliquer la transformation de
TOTAL en un groupe multi-énergies.
Patrick POUYANNÉ :
Merci à vous de m'avoir accueilli.
Laurent GRASSIN :
Cette webconférence est désormais terminée, vous la retrouverez très bientôt en replay. Merci de
nous avoir suivis. Très bonne soirée et à très bientôt.
[NOUS VOUS REMERCIONS D’AVOIR SUIVI LA WEBCONFÉRENCE]