Interview de Patrick Pouyanné avec Boursorama dans le cadre de la 3ème édition du e-salon BoursoLive Les Rencontres, lundi 26 juin 2023
27/06/2023
Retrouvez le replay de l'interview de Patrick Pouyanné, Président-directeur général, avec Boursorama dans le cadre de la 3ème édition du e-salon BoursoLive Les Rencontres.
Boursorama
BoursoLive
Interview de Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies.
Laurent Grassin
Nous sommes toujours ensemble pour BoursoLive : Les rencontres troisième édition, eh bien, justement, nous sommes ensemble pour une nouvelle conférence, une conférence consacrée à TotalEnergies. Et pour évoquer les réalisations et les ambitions de la major pétrolière, je suis en compagnie de Patrick Pouyanné pendant une demi-heure. Bonjour Patrick Pouyanné.
Patrick Pouyanné
Bonjour.
Laurent Grassin
L’idée de ce moment d’échanges, ce n’est pas forcément de faire la présentation en intégralité de l’activité de TotalEnergies, trente minutes, je pense, n’y suffiraient pas, mais plutôt, de mettre en lumière des points peut-être moins connus des investisseurs, et de montrer qu’au-delà des mots, eh bien, la transition du groupe vers les énergies renouvelables est bien réelle et en marche, et parce qu’on est sur Boursorama, on va quand même commencer par une question finance ; il faut rappeler que TotalEnergies, c’est la major la plus rentable en 2022. Question toute simple, comment on parvient à se hisser et à rester sur la plus haute marche du podium avec, de surcroît, il faut le dire, de sacrés concurrents ?
Patrick Pouyanné
Eh bien, c’est un des résultats effectivement les plus spectaculaires pour nous en 2022, parce que c’est un moment où le prix de l’énergie est monté, et en général, TotalEnergies avait plutôt la réputation de moins profiter des prix élevés que ses concurrents. Or, on a été les plus rentables, plus de 28 % de rentabilité sur les capitaux. En fait, il y a deux grandes raisons fondamentales, qui ne sont pas du tout le résultat du prix de l’énergie, comme je l’ai entendu, mais du travail qui a été effectué depuis de longues années, la première, c’est qu’en fait, on s’est évertué sur toute notre portefeuille d’hydrocarbures à baisser ce qu’on appelle le point mort, c’est-à-dire, en gros, aujourd’hui, TotalEnergies gagne de l’argent au-delà de 25 dollars du baril. C’est un énorme effort, on était en 2014, plutôt pas loin de 100 dollars. Bon, naturellement quand le prix monte, on a une rentabilité, et il se trouve qu’on a le point mort le plus bas de toutes les majors. C’est aussi lié au fait qu’on a un portefeuille, parce que tout ça, c’est aussi le résultat de choix d’actifs, on a cédé, on a acheté des actifs, dont la caractéristique, qui d’ailleurs répond aussi à un objectif lié à la transition énergétique, c’est d’avoir le coût de production le plus faible. Il y a souvent un débat autour des actifs échoués, on y reviendra peut-être, eh bien, nous, on a des champs pétroliers qui produisent à 5 dollars du baril.
Eh bien, avec ça, ils sont loin d’être échoués, ils sont là pour longtemps, donc c’est la meilleure garantie de la profitabilité. Le deuxième vecteur qui a fait que l’année dernière, en 2022, on a été effectivement les plus rentables, c’est le gaz naturel liquéfié. En fait, TotalEnergies a pris un choix stratégique très fort, qu’on a accentué en 2018, lorsqu’on a, au-delà de nos propres actifs, acquis le portefeuille d’ENGIE dans ce domaine-là, on est devenu le troisième acteur mondial du gaz naturel liquéfié, avec des très fortes positions en Europe, notamment, on contrôle, entre guillemets, 15 à 20 % de l’accès aux capacités de regazéification européennes, et naturellement, eh bien, cette stratégie gaz naturel liquéfié qui… bon, certains vendaient, donc elle n’était pas évidente, mais nous, on a toujours cru à l’émergence et au décollage, on ne s’attendait pas du tout à ce qu’il y ait une guerre, à voir les prix monter en Europe, mais on en a tiré très fortement parti de ce positionnement très fort sur le gaz naturel liquéfié, qui est un des moteurs de la croissance de TotalEnergies.
Donc d’un côté, côté pétrolier, un coût de production bas, un point mort bas, et ça, c’est durable, parce que c’est très ancré dans notre stratégie de transition énergétique. Et de l’autre également, le gaz naturel liquéfié, qui est également un vecteur de transition : gaz et renouvelables. Vous avez deux éléments qui font que, je pense, on va garder cette position.
Laurent Grassin
Ah, voilà, donc, c’est : rendez-vous est pris pour, voilà, rentabilité en 2023, autre place de numéro 1, elle est peut-être moins connue, les gens sont peut-être moins conscients, c’est la major aussi qui investit le plus sur la transition énergétique, au-delà des chiffres que vous avez partagés avec nous, quelle feuille de route vous vous êtes fixé pour les années à venir pour TotalEnergies ?
Patrick Pouyanné
Non, mais effectivement, enfin, je sais bien qu’on va y revenir, on est toujours décrié parce que c’est le verre à moitié vide, le verre à moitié plein, la vérité, c’est que l’an dernier, nous avons investi 4 milliards de dollars dans énergies renouvelables, et nouvelles molécules, il n’y a pas le gaz là-dedans, contrairement à ce que certains veulent faire croire, le gaz, il est en plus…
Laurent Grassin
Il est à côté…
Patrick Pouyanné
Donc quand je parle des nouvelles énergies, ce n’est pas parce que je dis que le gaz fait partie de la transition, quand je dis les budgets d’investissement liés aux nouvelles énergies, c’est profondément électricité, puisqu’en fait, TotalEnergies, c’est du pétrole, du gaz et de l’électricité, électricité essentiellement à base d’énergies renouvelables, et puis, c’est éventuellement du biogaz, on pourra y revenir, d’autres… des bio-fuels, des biocarburants, des nouvelles molécules, dont on a besoin, ça, ça a fait 4 milliards l’an dernier, on est effectivement la major qui avons le plus investi dans ces énergies-là. Je rappelle qu’on était à 2 milliards en 2020, 3 milliards en 2021, 4 milliards en 22, et pour 23, on a annoncé 5 milliards. Donc ce n’est pas des petits montants, c’est des gros montants, et effectivement, de ce point de vue-là, quand je vois nos concurrents aujourd’hui, ils ont tendance, certains, les uns après les autres, les Américains, depuis le début, étaient plutôt sur les molécules, et les deux Européens de deux grands concurrents britanniques, sont en train de les rejoindre, nous, on a décidé, on reste pas droit dans les bottes, mais je pense que l’énergie, c’est du temps long, on a une stratégie claire, qui est effectivement d’avoir… d’investir maintenant, fortement, pour avoir un pôle d’énergies décarbonées, qui sera la croissance future de l’entreprise et qui l’est d’ores et déjà.
Donc voilà pourquoi on peut affirmer, et d’ailleurs, c’est une belle démonstration, puisqu’il y a souvent un débat, vous investissez dans les énergies renouvelables, elles sont moins rentables, eh bien, écoutez, elles le sont peut-être moins, mais en l’occurrence, la compagnie elle-même était la plus rentable de toutes. Donc on peut…
Laurent Grassin
Compenser…
Patrick Pouyanné
Pour moi, il n’y a pas du tout opposition, contrairement à ce que plusieurs commentateurs disent, entre rentabilité de la compagnie, d’une part, et investissement dans les énergies nouvelles, d’autre part. mais vous savez, pour moi, c’est presque une évidence, on sait aussi, vous savez, dans le pétrole et dans le gaz, quand je vais dans un nouveau pays, je suis en train d’investir en Namibie, eh bien, la rentabilité, j’en ai pour 10 ou 12 ans avant de la trouver. Donc quand on investit dans des nouveaux domaines, même dans nos métiers historiques, il faut du temps pour la rentabilité. Et donc voilà. Donc le plus important pour ceux qui nous écoutent, pour nos actionnaires, c’est quelque part de savoir que l’entreprise est très rentable, et que cette rentabilité permet d’alimenter les dividendes aujourd’hui, à partir du pétrole et gaz, demain, grâce à l’électricité et à toutes ces nouvelles énergies.
Laurent Grassin
Donc 5 milliards en 2023, est-ce qu’on continue à tirer le trait vers des montants investis, qui vont continuer à progresser ?
Patrick Pouyanné
Non, parce que je pense que pour être honnête, il faut… je veux être transparent, on a fixé une feuille de route, on est très clair, on atteint à peu près, parce qu’on est capable d’investir chez TotalEnergies entre environ 15, 18 milliards de dollars par an, donc on va être quasiment à un tiers. Bon, l’idée, c’est, jusqu’à un tiers, c’est raisonnable, parce qu’il faut quand même aussi qu’on investisse dans nos énergies d’aujourd’hui, le pétrole et le gaz, et il faut avoir en tête, bon, juste, là, je parle de chiffres, mais en gros, il nous faut à peu près, chaque année, uniquement pour maintenir sans même parler de croissance, sans parler même de nouveaux projets, il nous faut 5 à 6 milliards. Donc il nous reste une dizaine de milliards à peu près…
Laurent Grassin
Maintenir la production existante…
Patrick Pouyanné
Maintenir les productions, maintenir les raffineries en l’état, maintenir tout ce qu’on a, simplement, continuer, sans même parler de croissance, de nouveaux projets. Et pour maintenir tout ça, je dois investir tout le temps, parce que c’est une industrie très capitalistique, l‘énergie. Et puis, après, eh bien, il me reste environ 10, 12 milliards pour les nouveaux projets. Et en gros, la moitié de ces nouveaux projets, c’est des énergies nouvelles, des nouvelles énergies, énergies renouvelables, nouvelles molécules, et l’autre moitié, c’est toujours du pétrole et du gaz, parce qu’il faut que je continue à lutter contre le déclin naturel des champs.
Laurent Grassin
Quand je vous écoute comme ça, c’est une réponse finalement aux critiques qui disent que vous devriez aller encore plus vite, ce n’est pas simple d’aller plus vite que ce vous allez aujourd’hui…
Patrick Pouyanné
Mais non, ce n’est pas aller plus vite, il y a beaucoup de « y a qu’à » dans cette affaire. D’abord, on a des clients, qui aujourd’hui, et puis, vous l’avez vu en 2022, nos clients, ils veulent de l’énergie qui ne soit profondément pas chère, et quand elle est chère, ils ne sont pas contents. Pour l’instant, notre énergie à nous tous, là, c‘est de l’essence, avec du diesel, et puis, c’est du gaz naturel, quand on a eu, avec l’affaire du conflit russe, du drame ukrainien, on a eu peur de ne pas avoir de gaz, suffisamment de gaz en Europe, vous avez vu un peu comment les gouvernements ont fait feu de tout bois en Europe, pour faire en sorte d’ailleurs qu’on prenne tout le gaz naturel liquéfié qu’il y avait en Asie dans des pays émergents pour le ramener en Europe, en payant plus cher.
Donc je veux dire, il faut quand même regarder, on est une entreprise, et c’est toute, je dirais, le débat qu’il y a autour de nous, mais c’est de trouver la bonne balance, le bon équilibre entre continuer à fournir l’énergie dont nous avons tous besoin aujourd’hui, et si on n’investit pas dans cette énergie, qu’est-ce qui va se passer, comme la demande ne baisse pas pour l’instant, parce que les nouvelles technologies… ne sont pas encore suffisamment utilisées, eh bien, les prix vont monter, d’ailleurs, une partie des raisons pour lesquelles les prix sont montés dès 2021, avant même la guerre ukrainienne, c’est parce qu’en fait, il n’y a pas… on a réorienté une partie de nos investissements du pétrole et du gaz vers les énergies nouvelles. Donc c’est ça qu’il faut, alors, il faut trouver cet équilibre.
Et donc ce que je réponds, c’est, nous, on trouve que l’équilibre qu’on vient d’annoncer, que je viens de vous indiquer, est un bon équilibre, bon, par ailleurs, il faut quand même avoir en tête que dépenser, tout le monde a l’air de dire facile, mais 4 à 5 milliards de dollars, c’est des sommes énormes, il faut des équipes, il faut des projets, il y a des procédures. Donc ce n’est pas un problème financier, il faut être clair, c’est juste que, eh bien, on doit investir des deux côtés, et puis, nous, on avance en marchant, mais on a avancé très, très vite, on a commencé cette stratégie d’aller vers les électricités et les renouvelables, il y a 5 ans. En 5 ans, nous avons investi plus de 15 milliards, enfin, et on arrive à avoir une rentabilité, on a annoncé nos résultats pour la première fois au premier trimestre sur l’électricité et renouvelables, pas loin de 10 %.
On a annoncé qu’on faisait 400 millions de dollars, donc sur un seul trimestre, donc ça fait à peu près un peu plus de 10 % sur l’année. Eh bien, c’est déjà pas mal. Donc laissez-nous aussi démontrer et faire des preuves, c’est une diversification, et, mais en tout cas, moi, je suis fier de ce qui est fait, et j’entends toujours les grincheux, mais en l’occurrence, qu’ils se mettent à notre place et qu’ils voient un peu ce qu’on réalise concrètement.
Laurent Grassin
Alors, les grincheux, ils disent : 4 à 5 milliards, c’est bien, mais bon, c’est un peu du greenwashing, justement, est-ce qu’on peut mettre du concret là-dedans, est-ce qu’on peut dire à quoi cet argent est employé ?
Patrick Pouyanné
Oui, alors, je vais prendre…
Laurent Grassin
Très pragmatiquement…
Patrick Pouyanné
Je vais être très pragmatique, je l’ai dit à l’assemblée générale des actionnaires, mais je vais vous le redire, qu’est-ce qu’on a fait en 2022 avec 4 milliards, bon, d’abord, on est devenu le numéro 5 des renouvelables américains, en achetant pour 1,5 milliard 50 % d’une société qui s’appelle CLEARWAY, et qui a un énorme portefeuille, maintenant, on investit dans cette entreprise pour développer les énergies renouvelables. Ensuite, on a investi 1,2 milliard dans des projets éoliens offshores, en mer, aux Etats-Unis, en Ecosse, où on a le premier projet de TotalEnergies, qui produit de l’énergie éolienne en mer, il est en Ecosse, il s’appelle Seagreen, on peut… un jour, il faudra faire un reportage, c’est magnifique, à Taiwan. Ensuite, on a investi dans les projets solaires, on a plusieurs gigawatts, des gigawatts qui sont en cours de construction aux Etats-Unis, en France, cette année, on a ajouté l’Espagne, et enfin, on se développe aussi dans des biogaz et des biocarburants. Donc tout ça, c’est des sommes qui font 4 milliards, et en 2023, eh bien, on va très rapidement, vous savez qu’on a participé à l’émergence d’un nouvel acteur d’énergies renouvelables, qui s’appelle TOTAL EREN, qui est une société française, on l’a accompagnée dans sa croissance en ayant 30 %. On va acheter les 70 % restants, c’est près de 2 milliards d’euros. Donc parmi les 5 milliards, il y a 2 milliards d’euros.
Les gens disent : mais vous achetez, non, mais en fait, c’est nous qui avons, quelque part, contribué à faire émerger cet acteur, et lui permettre de se déployer, plus de 3 gigawatts, un beau pipeline en face de nous, donc voilà. Et donc, il y a d’autres projets comme celui-là, on a annoncé qu’on avait maintenant en Espagne plus de 2 gigawatts, et puis, la semaine dernière, j’étais au Kazakhstan pour signer un gigawatt d’éolien en terre, au Kazakhstan, vous voyez. C’est concret tout ça, ce n’est pas du tout du greenwashing, c’est des vrais projets, avec des équipes sur le terrain, et on investit pour développer ces activités.
Laurent Grassin
À côté de ça, il y a tous ces projets que vous venez de mentionner, TotalEnergies est présent aussi dans un grand nombre d’autres sujets de transition énergétique, climatique, alors je pourrais parler du carburant durable pour les avions, il y a eu cette annonce récente, dès 2028, TotalEnergies serait en mesure de produire un demi-million de tonnes de SAF, c’est comme ça que ça s’appelle, le Sustainable Aviation Fuel, il y a le captage de carbone, il y a la production de batteries, voilà, quelques projets, peut-être c’est à ceux-là que vous pensez, mais quels sont les projets qui, à votre avis, sont peu ou insuffisamment connus du grand public dans lesquels TOTAL est présent et fait la différence ?
Patrick Pouyanné
Alors, on a beaucoup parlé d’énergies renouvelables, d’électricité renouvelable, c’est vrai, mais on regarde d’autres voies, et toutes les voies que vous venez, notamment, je pense que ce qu’on fait en ce moment dans les carburants aériens durables, sur la base de transformer est très symbolique de notre transformation, pourquoi, parce qu’en fait, parce que ce sont… les avions, pour pouvoir voler, et pour les décarboner, il faut leur donner un carburant liquide, il faut sortir du pétrole, du kérozène, donc il faut transformer de la biomasse, notamment, c’est une des voies. Et pour nous, c’est une voie très symbolique, notre objectif, c’est à horizon 2030 d’avoir 10 % du marché mondial, donc il y a la France où on va effectivement faire en sorte qu’en France, nous produisions au moins les fameux 6 % de bio-kérozène, et dont…
Laurent Grassin
A l’horizon 2030…
Patrick Pouyanné
Le carburant vert que veulent les compagnies aériennes à horizon 2030, on les produira en France. On investit, et pourquoi on investit, parce qu’en fait, c’est l’opportunité pour nous de faire la transition dans nos raffineries, on a des raffineries qui, aujourd’hui, produisent de l’essence, du diesel, dont on sait, à cause du véhicule électrique, qu’on en aura moins besoin, rapidement, et donc on peut anticiper cette transition en justement les réorientant avec des… on utilise les compétences de nos salariés qui sont des bons techniciens, en faisant, en traitant, alors, on traite des choses bizarres maintenant, on traite des huiles usagées, on traite des graisses animales, on se met à traiter d’autres matières premières, qui d’ailleurs est un défi pour nous, c’est l’accès à ces matières premières, donc on cherche des filières, mais on peut les transformer, pour donner des carburants aériens durables.
Donc je pense que les annonces qu’on fait, là, en ce moment, à l’occasion du Salon du Bourget, où certains ont tendance à dire : on n’a pas les carburants aériens durables, mais TotalEnergies sera au rendez-vous très fortement, et dans une filière qui apportera également de la rentabilité à TotalEnergies. Donc c’est symbolique de la transformation et de ces nouvelles molécules sur lesquelles…, qu’on a besoin pour décarboner l’énergie demain.
Donc voilà, je trouve qu’on ne l’a pas dit assez, je profite du Salon du Bourget pour le dire et le répéter, et pas laisser dire qu’on n’investit pas assez, si on investit, on a un plan à La Mède, à Grandpuits, à Gonfreville, des plans très concrets, où on va produire ces carburants aériens durables.
Laurent Grassin
Il y a donc cette marche vers les renouvelables, d’un côté, et puis, il y a la réduction de l’empreinte carbone de TOTAL, TotalEnergies de l’autre. C’est le grand défi avec cette ambition affirmée, réaffirmée : neutralité carbone à horizon 2050. On va revenir sur les moyens que vous mettez en place pour que ces objectifs soient atteints, peut-être même en avance, je ne sais pas ?
Patrick Pouyanné
2050, c’est déjà pas mal pour une entreprise, donc je ne cherche pas à toujours faire plus vert, non, là, en l’occurrence, le défi est immense de neutralité carbone à horizon 2050, on le fera d’ailleurs avec nos clients, c’est juste essentiel, mais c’est très concret, par exemple, et ça se prépare. Par exemple, je prends le gaz, le gaz naturel est pour nous un élément de la transition, mais on sait très bien que la neutralité carbone, il faudra beaucoup moins de gaz naturel, puisque c’est un fossile. Pourquoi je dis que c’est un élément de la transition, c’est que pour faire de l’électricité, vous avez des solaires, éoliens qui sont intermittents, il leur faut un complément pour assurer de l’électricité en continu, comme vous le souhaitez tous. Eh bien, le gaz, une centrale à gaz, c’est flexible, on peut appuyer sur le bouton, la démarrer rapidement, en fonction de l’intermittence, et puis surtout, une centrale à gaz, ça émet deux moins de CO2 qu’une centrale à charbon. Donc nous, on considère, et c’est pour ça qu’on est fort dans le gaz naturel liquéfié, que le gaz, ça fait partie de la transition, en même temps, on sait qu’il est fossile.
Donc il faut qu’on se prépare, c’est pour ça que nous investissons pour pouvoir être dans la neutralité carbone, dans le biogaz, donc on a décidé, en France, maintenant, on a à peu près 10 % du marché, on produit 10 % du biogaz, et on cherche à accélérer cette filière, on vient de prendre des positions en Pologne, aux Etats-Unis, donc ça, c’est peu connu, c’est peu visible, c’est du business local, mais le biogaz, et puis, on a fait une autre annonce, récemment, très récemment, je crois, il y a dix jours, comme quoi on va se lancer aux Etats-Unis dans le cadre de la fameuse loi IRA, qui donne un certain nombre d’avantages, dans la fabrication de gaz de synthèse, la méthanation, c’est-à-dire, un gaz naturel de synthèse, c’est un peu bizarre ce que je viens de dire, mais c’est partir d’hydrogène et de CO2 pour faire une molécule de méthane, qui n’est pas naturelle, qui est synthétique. Et pourquoi cette voie pour nous est intéressante, c’est parce qu’en fait, si je suis capable de produire un méthane synthétique, je suis capable de le liquéfier dans mes usines de liquéfaction, de le transporter, donc toute ma chaîne de valeur de NLG et de GNL va être réutilisée, et surtout, le client final, à la fin, il va recevoir une molécule de méthane, il n’a rien à changer.
Lorsqu’on parle d’hydrogène, d’ammoniaque, etc, il faut changer, le client, et il n’aime pas toujours l’ammonique, ce n’est pas si simple. Donc voilà, donc on prépare le future du gaz, c’est du biogaz, c’est du gaz de synthèse, ça, c’est très concret. Et là, on va commencer à investir maintenant pour pouvoir être à la neutralité carbone. Bon, et puis, la neutralité carbone chez nous, c’est aussi quand même profondément notre feuille de route qui fait qu’on s’est fixé des objectifs, pour que le mix de produits, toutes les énergies qu’on vend, on le décarbone, ce qu’on offre à nos clients, on va le décarboner, qu’est-ce que ça veut dire, ça veut dire que par rapport à 2015, l’accord de Paris, d’ores et déjà, notre mix, on l’a décarboné à 12 %.
Et on prévoit d’être, à 2030, à 25 %. 25 %, et comment on fait, eh bien, c’est parce qu’on investit, on produit de plus en plus de molécules décarbonées, dont les fameux électrons renouvelables, et ça, c’est ça l’effort concret d’accompagnement de nos clients. Si, au fur et à mesure, je fournis de l’énergie, mais qui va être de plus en plus décarbonée, eh bien, là, je vais vers la neutralité carbone, mais je vais y aller ensemble, avec nos clients, comme dans l’aviation par exemple. Donc c’est toute une multitude d’initiatives, c’est un défi, mais on va le relever.
D’ailleurs, on va le relever, je vais vous dire pour une autre raison, c’est que nos marchés nous demandent de le faire, nos marchés vont évoluer. Simplement, le mot « marchés » est important, pour TotalEnergies, nous, on est un fournisseur d’énergie, mais il ne faut pas aller plus vite que mes clients, je ne sais pas quand est-ce que l’avion sera un jour à hydrogène, moi, pour l’instant, les constructeurs d’avions, ils me disent : on a besoin de carburant liquide…
Laurent Grassin
On a encore besoin de carburant liquide…
Patrick Pouyanné
Et donc il faut que je fournisse un carburant liquide, donc c’est un mix de kérozène et le fameux carburant aérien vert, pareil, par contre, les trains, on me dit : on pourrait peut-être faire fonctionner les trains à hydrogène plus vite, eh bien, très bien, regardons. Donc la demande est essentielle. Parce qu’il y a une idée fausse, qui circule, c’est de croire que, parce qu’on produirait moins de pétrole, on va régler le problème, non, si on produit moins de pétrole, je peux vous dire que vous aurez moins d’énergie, les prix vont monter au ciel, et nos clients seront en colère, peut-être, nos actionnaires seront contents, d’ailleurs, parce qu’on fera quand même beaucoup de résultats. Mais ça, ce n’est pas durable, ça. Donc je pense qu’il faut comprendre que notre ambition, elle est clairement en liaison avec nos clients, avec la société, et elle est profondément d’accompagner, voire d’être en avance sur cette évolution de la demande, mais en même temps, on ne va pas, nous, tous seuls, TotalEnergies, transformer comment on consomme…
Laurent Grassin
Ça se passe avec les acteurs…
Patrick Pouyanné
Ça se passe, voyez, j’ai assisté…
Laurent Grassin
Les clients, les consommateurs…
Patrick Pouyanné
Avec toutes les compagnies aéronautiques, en France, on a un secteur fort, avec AIRBUS, avec SAFRAN, avec AEROPORTS DE PARIS, avec AIR FRANCE, eh bien, on se retrouve, et on se dit : comment on fait ensemble pour aller vers cette décarbonation. Moi, je ne vais pas imposer tout seul à SAFRAN qui, lui, est le spécialiste des moteurs, je vais faire une réunion avec Olivier ANDRIES, le PDG de SAFRAN, au Salon du Bourget, là, cette semaine, je ne vais pas imposer mes vues si lui me dit : non, mais, ta molécule, quelque part, j’aurais du mal à l’homologuer. Donc c’est un travail commun, et ce n’est pas simplement l’énergéticien qui peut décider comment va évoluer cette demande, même si bien sûr j’ai un rôle, qui est, une fois qu’on a ces feuilles de route, eh bien, c’est d’investir, et c’est exactement ce que je viens de faire, ce qu’on est en train de faire avec l’exemple de carburant aérien durable.
Laurent Grassin
Bon, il y a cette question un peu à part que j’avais envie de vous poser, une époque où on parle beaucoup de souveraineté nationale, que ce soit dans la recherche, l’alimentation, la santé, finalement, quelle place tient TotalEnergies dans la souveraineté énergétique de la France en termes d’activités, mais sans doute aussi en termes de savoir-faire et d’emplois ?
Patrick Pouyanné
Eh bien écoutez, d’abord, il y a 35.000 emplois en France directs, et puis, il y a de l’indirect qui doit faire à peu près deux fois plus, donc vous voyez, on est un gros fournisseur d’emplois. On a… toute notre recherche et développement est très largement en France, à Pau, à Gonfreville, à Lyon, donc on a des centres de recherche, l’essentiel de notre recherche, je dirais, est localisé en France. Et ça, c’est important, parce que c’est les racines, c’est là qu’il y a le savoir-faire, après, eh bien, on participe à la souveraineté énergétique, pour nous, ça a été très concret, en 2022, TotalEnergies est la compagnie qui a apporté le plus de gaz naturel liquéfié à l’Europe et à la France, on a apporté près de 20 %, c’est nous qui avons importé sur l’Europe près de 20 % du gaz naturel liquéfié dont l’Europe avait besoin…
Laurent Grassin
Parce que le gaz, on en a tellement besoin…
Patrick Pouyanné
Donc je veux dire, là, on était dans l’action concrète, on n’était pas dans… on a amené aux consommateurs européens et français le gaz dont ils avaient besoin, on était le numéro un, et on va continuer à l’être. Donc ça, c’est de la contribution directe. Bon, voilà, après, je dirais, c’est… donc pour moi, je n’ai pas de doute, je déclarais qu’on était une entreprise française, et j’en suis fier, mais parce que c’est vrai, on a une contribution directe, et alors, effectivement, c’est toute une somme, ce n’est pas que de l’impôt sur les sociétés, comme certains le disent, c’est beaucoup plus profond que ça, et puis, c’est encore une fois, on est aussi vis-à-vis de la France, je dirais, dans la souveraineté, lorsqu’on est à l’international, on entraîne beaucoup de nos collègues et nos entreprises françaises avec nous, je dirais, on est un des porte-drapeaux de la maison France à l’international, dans la plupart des pays, et ça aussi, ça a de la valeur, je pense, en termes de souveraineté.
Laurent Grassin
Bien sûr, on ne peut pas… on va terminer d’ailleurs là-dessus, on ne peut pas faire cette conférence sans évoquer la politique actionnariale de TotalEnergies, c’est normal, Bourso, les rencontres, c’est aussi le salon de l’actionnaire particulier, et c’est un des piliers du groupe, avec, je crois, en plus, quelques atouts supplémentaires en 2022.
Patrick Pouyanné
Eh bien écoutez, bien sûr, c’est important, d’abord, la première chose pour nos fidèles actionnaires, et ils sont nombreux, et j’en suis ravi, ils ont même depuis 2020 augmenté l’actionnariat individuel…
Laurent Grassin
Ils progressent, oui, oui…
Patrick Pouyanné
Régulièrement. Je pense que les gens étaient peut-être chez eux, et se sont mis à regarder plus près les cours de Bourse, et puis, ils ont eu du bon sens, ils ont regardé quelles étaient les compagnies qui avaient une belle performance boursière, TotalEnergies, sur les 10 dernières années, a un rendement supérieur à 10 %, sur 10 ans. Donc ce n’est pas, entre cours de l’action et dividendes. TotalEnergies, c’est l’entreprise qui n’a pas baissé son dividende depuis 40 ans, 1982, vous voyez, donc quand vous investissez chez nous, quand je vous dis notre dividende ne baissera pas, voire, il va augmenter, puisqu’en fait, il augmente, puisque l’entreprise est en croissance, c’est une réalité très concrète. Donc il y a une forme de fidélité, c’est un beau rendement, TotalEnergies. Alors, on a pris un certain nombre de mesures pour renforcer cette politique, puisqu’il faut dire que, encore une fois, je vous l’ai dit, c‘est bien d’avoir un point mort bas, c’est bien d’avoir le gaz naturel liquéfié qui nous porte, mais encore faut-il que nos propriétaires, nos actionnaires, ce sont nos propriétaires, nos salariés également partagent les fruits de cette valeur ajoutée.
Donc l’année dernière, on a annoncé que 35 à 40 % du cash-flow qu’on génère seraient retournés, seraient distribués vers nos actionnaires, sois, sous forme de dividendes, soit sous forme de rachat d’actions, et nous avons fait 37 %, c’est nouveau, puisque, historiquement, on était plutôt autour de 30 %. Donc on a franchi un cap, l’idée étant de rejoindre des niveaux de distribution des grandes majors pétrolières américaines, pour être très honnête, mon benchmark, c’est rejoindre ce club-là non seulement en rentabilité, mais maintenant en termes de distribution, et donc de valorisation, c’est ça qui est l’objectif.
On a pour cela, l’année dernière, on a fait beaucoup de choses, on a augmenté le dividende de plus de 6 %, on a fait un dividende exceptionnel de 1 euro par action, qui, j’ai compris, a été apprécié, puisqu’à l’assemblée générale des actionnaires, le dividende a été approuvé à 99,99 % des voix, il y a toujours le 0,01 qui manque, mais bon, ça prouve que, quelque part, cette…
Laurent Grassin
Presque l’unanimité…
Patrick Pouyanné
D’ailleurs, je dois avouer, je ne l’ai pas dit tout à l’heure, sur la transition énergétique, mais c’est très important ce qui s’est passé à l’assemblée générale, le plan climat de TotalEnergies, la stratégie, a été approuvé à près de 90 % par les actionnaires. Alors, je sais bien qu’on me dit : il en manque 10 %, mais enfin, 90 %, c’est un très fort soutien. Et pour nous, ce soutien, il est essentiel dans cette transition énergétique, dans cette diversification, de savoir que nos actionnaires sont à nos côtés, ça me paraît très important. Alors, on a fait des rachats d’actions, bien sûr, mais de façon…
Laurent Grassin
7 milliards, c’est ça, 7 milliards de dollars ?
Patrick Pouyanné
7 milliards, et globalement, l’année dernière, on a, à peu près, rendu à nos actionnaires à peu près 37 %, c’est à peu près 16 milliards de dollars de distribution. En 2023, on continue, puisqu’on a… quand on rachète des actions, les gens disent : c’est bizarre les rachat d’actions, mais si, le rachat d‘actions, ça me permet l’année suivante d’augmenter le dividende…
Laurent Grassin
Pas toujours compris effectivement…
Patrick Pouyanné
Ce n’est pas compris, mais en fait, c’est un investissement dans l’entreprise, pourquoi on rachète nos actions, eh bien, parce qu’on considère que le cours quelque part peut s’améliorer, et quand je rachète des actions, eh bien, je verse moins de dividendes, je sors moins de dividendes de l’entreprise, donc ça me permet d’alimenter l’année suivante la croissance de dividendes, l’année dernière, on a racheté à peu près l’équivalent de 5 % du capital, eh bien, cette année, la base de l’augmentation, c’était ces fameux 5 %, je dirais, à charge de dividendes constants pour l’entreprise, je peux augmenter de 5 %, on va faire mieux, on va faire 7... le conseil d’administration a décidé 7,25 %, donc une croissance encore de dividendes, je ne promets pas qu’il y aura de dividende exceptionnel, parce que les prix du pétrole seront bas.
Par contre, puisqu’on a fait une opération, on a cédé tous nos actifs au Canada, on a dit que cette année, la distribution à nos actionnaires serait d’au moins 40 %. Donc plus élevée que l’an dernier. Donc voyez, je pense que pour tous les gens qui nous écoutent, oui, l’action TotalEnergies est une action, je dirais, de rendement, mais qui est aussi, potentiellement, une action de croissance, il faut avoir en tête que chez TotalEnergies, il y a un pôle d’énergies renouvelables qui croît et dont la valorisation sur les multiples actuels est de l’ordre de 35 à 40 milliards de dollars. Donc tout ça doit se traduire un jour dans le cours de l’action. Donc il y a un potentiel important de croissance également de ce côté-là.
Laurent Grassin
Potentiel de croissance important, c’est une thématique cette année sur les jeunes investisseurs, quand je vous écoute, c’est une action qu’on peut tout à fait recommander pour un jeune investisseur qui voudrait se lancer en Bourse, pour commencer.
Patrick Pouyanné
Oui, mais bien sûr, mais je pense qu’il peut le faire, d’abord, il a une forme de sécurité, et en même temps, il investit dans le futur. Donc il faut juste qu’il accepte les deux côtés, la croissance dans le futur, et puis, le dividende, mais c’est ça le secret de TotalEnergies, c’est cet équilibre que l’on veut continuer à maintenir, mais encore, sans cet équilibre entre les énergies d’aujourd’hui et les énergies du futur, il n’y aura pas… le modèle économique ne serait pas durable, or, fondamentalement, cette transition, elle sera un succès pour la compagnie et pour la société que si on trouve un modèle durable ensemble.
Laurent Grassin
Eh bien, voilà. Merci. Très belle conclusion. On arrive au terme de cette Web conférence. Merci beaucoup Patrick Pouyanné d’avoir partagé avec nos internautes, actionnaires, et peut-être futurs actionnaires de TotalEnergies, les ambitions du groupe pour les années à venir.
Patrick Pouyanné
Merci.
Laurent Grassin
Merci beaucoup d‘avoir assisté à cette présentation. N’hésitez pas d’ailleurs à vous rendre sur le stand de TotalEnergies pour trouver des informations complémentaires, et télécharger des documents utiles.